Alors elle se demandait ce qu'il se passerait dans quelques siècles, lorsqu'elle aurait déjà longuement vécu et serait pourtant encore loin de la fin. Le monde serait différent, mais en quoi, elle se le demandait encore. D'autant plus que les exemples de son aînée lui montrait clairement qu'il pouvait se passer bien des choses en neuf cents ans, et souvent elles n'avaient rien de très joyeux. « Il y a tellement de projets pour l'avenir aujourd'hui... Maman pense qu'on connaîtra les voitures volantes, et les véhicules complètement automatisées. Elle dit que c'est pour bientôt. » Sauf que ses amis ne connaîtront peut-être pas tout cela, parce que leurs traits se durciront avec les années et qu'ils finiront par quitter ce monde, alors qu'elle y resterait encore pour plusieurs centaines d'années. Cette idée lui avait toujours fait mal au cœur, pourtant elle savait qu'elle devait s'y résoudre. Elle ne pouvait rien faire contre, elle le savait.

Elle craignait aussi d'avoir été oubliée par ce qu'elle aimait tant à Atlanta, ayant néanmoins rencontré d'autres personnes en arrivant ici – heureusement. Pourtant, elle avait toujours l'impression de rester une adolescente invisible que personne ne voyait et qui s'oubliait aussi vite qu'une délicate brise d'été. Alors, lorsque Kira affirma le contraire, elle se sentir changer de couleur, devenant petit à petit aussi rouge qu'un coquelicot. Frustrée par la teinte qu'avaient prise ses joues, elle baissa les yeux en murmurant un « Merci » à la fois gêné et confus. Elle n'avait jamais été très à l'aise avec les compliments.

Elle n'était pas non plus à l'aise avec ses pouvoirs, ne sachant pas vraiment si elle devait être rassurée par la confession de la jeune femme face à elle. Au moins, cela lui permettait de relativiser et de se dire qu'il était encore temps pour elle de s'améliorer, comme Kira l'avait fait. « Tu l'as dit toi-même, ceux qui ne veulent pas voir peuvent être complètement aveugles. Pour une fois, disons que cela a joué en ta faveur, » suggéra la jeune fille avec un sourire en coin, les pommettes encore légèrement rougies. Tournant toujours distraitement sa mèche de cheveux autour de son doigt, elle hocha la tête face à la dernière remarque de son aînée. Oui, ils avaient tous peur. Tous, sauf ce fou qui se jouait d'eux et les avait piégé dans un dôme dont ils ne savaient rien. C'était tout simplement effrayant de savoir qu'il avait une telle emprise sur chaque créature surnaturelle de la ville. Terrifiant.