Avec son boulot et ses horaires variables, il arrivait souvent à Jerry d'être à la maison durant les jours de la semaine, pendant que sa femme était au boulot et que son fils partait pour l'école. Selon les dires de Samuel qui pouvait presque entendre les mouches éternuer: certains voisins croyaient qu'il était un chômeur, d'autre qu'il était homme au foyer et que Nina portait les pantalons dans leur couple. Cela ne le dérangeait pas tellement, ayant eu un fils à l'aube de ses 17 ans, il avait subi les jugements des autres durant la moitié de sa vie.

Ce jour-là, il pleuvait, c'était maussade. Sa tasse de café à la main, Jeremiah lisait le journal sur sa tablette électronique, comme le faisait son père à l'époque, sur la version papier. Il repoussa cette pensé de son esprit et ferma sa tablette en jetant un regard par la fenêtre. Jerry n'aimait pas les jours de pluie qui lui faisaient beaucoup trop penser à son pays natal. Quand il pensait à l’Angleterre, il ne voyait que du gris.

Pour se changer les idées, il s'attaqua au bordel que sa famille avait laissé dans la cuisine avant de quitter la maison. Après tout, lui-même attendait de la visite et, par politesse, il voulait recevoir Liloo dans un environnement propre. Pendant qu'il s’attelait à la tâche, il se remémora sa rencontre avec la meilleure amie de sa femme, la veille.

Ils s'étaient croisés à la station-service, tout simplement, alors que Jerry était sur un appel d'urgence à une usine située à environ 80 kilomètres de la ville, il devait faire vite. Elle s'était approchée de lui et s'était mis à bégayer des mots un peu décousus sur la pleine lune, une morsure et le fait de ne pas devenir un monstre. En posant ses mains sur les épaules de Liloo et en se baissant à son niveau, afin de soutenir son regard, Jerry avait sondé les yeux terrifiés de Liloo. Elle avait été mordue.

"Tu es sérieuse ?!"

Cela ne se voulait pas réellement une question, car il savait déjà qu'elle ne rigolait pas du tout et qu'elle avait besoin d'aide. Après un soupir compatissant, il serra Liloo dans ses bras, espérant lui apporter un minimum de réconfort, puis il se sépara d'elle en lui frottant les bras, toujours tentant de la réconforter. Pressé par son appel d'urgence, il somma Liloo de passer à la maison le lendemain matin et promit de répondre à toutes ses questions, puis l'abandonna à la station-service.

Terminant tout juste de nettoyer l'îlot de la cuisine, il vit la tête de Liloo par la fenêtre de la cours. La jeune femme passait toujours par la porte de la cuisine quand elle venait à la maison, et une règle non-écrite lui donnait la permission d'entrer sans frapper. Jerry leva sa tasse de la main droite en la pointant de la main gauche, manière non-verbale de lui demander si elle en voulait une tasse, puis afficha son plus grand sourire, l'accueillant chaleureusement, malgré la situation dramatique.