« Eli, le repas est prêt. », m’annonça la voix autoritaire de mon père accompagné de son visage tout autant fermé, ses cheveux poivres et sels coupés en brosse. Je vis son regard faire le tour de ma chambre depuis le cadre de porte où il se trouvait. Avant même qu’il n’ouvre la bouche, je sus à son expression crispé qu’il allait me faire une remarque sur l’ordre qu’il y régnait ou dans son cas à lui ; le désordre qu’il percevait. « Et range moi ce bordel ! », ajouta-t-il sur son ton froid habituel avant de disparaître. J’entendis ses pas dans l’escalier signe qu’il retournait vers la salle à manger. Ce n’est que lorsque j’eus la certitude qu’il était bel et bien partie que je m'autorisai à bouger. Me levant de mon plan de travail où je travaillais sur mes devoirs, je ramassai le livre sur le sol pour le mettre dans la bibliothèque, tirai les couvertures sur le lit m’assurant de bien les tendre et suspendit le hoodie abandonné sur ma chaise sur le crochet derrière la porte. Je scannai de nouveau la pièce complètement immaculée à la recherche du moindre petit détail qui aurait put faire tilter mon paternel. Si ce n’était de ma chaussure droite pas tout à fait enlignée avec la gauche au pied de mon lit, il n’y avait rien qui clochait. Quiconque aurait regardé dans cette chambre et se serait demandé s’il y avait bel et bien un adolescent de dix-sept ans qui y vivait. C’était le truc avec mon père. Voyez-vous, Kenneth MacPherson est un vieu militaire de l’armée anglaise. Il y travaillait comme ingénieur en mécanique. C’est d’ailleurs là où il a rencontré ma mère qui était médecin militaire. Ils avaient la fin trentaine quand je suis né, un enfant imprévu, mais dont ils ne se débarrassèrent pas pour une raison qui m’échappe encore. J’avais neuf ans quand ma mère est décédée suite à un cancer me laissant seul avec mon père. Une homme sévère, droit, intègre et travaillant, mais également aimant même s’il ne le montre pas souvent. Il a toujours été très exigeant envers moi demandant que je sois le meilleur partout, dans tout ce que j’accomplissais autant au niveau du sport où je pratiquais la natation que dans mes études en générales. J’ai fréquenté les pensionnats dès mon entrée au collège comme mon père n’avait pas vraiment le temps entre son emploi du temps très chargé avec l’armé pour s’occuper de son gosse. Je ne m’en suis jamais pleind, c’était la belle vie à l’époque. Jusqu’à ce qu’il décide, il y a quelques mois, que s’en était fini. Je crois que ça un lien avec sa retraite. Il commençait à s’ennuyer seul après à peine quelques semaines. Il a décidé, à cinquante-six ans, qu’il était temps que l’on tisse des liens tous les deux… Une bulle lui ait passé au cerveau décidant, par le même instant, que s’en était terminé des pensionnats. Maintenant, j’irais à l’école régulière tout comme il a décidé qu’Oxford ne serait plus notre ville d’habitation nous envoyant découvrir les joies d’une petite ville perdu au fin fond des États-Unis. Pourquoi ici ? Même après une semaine de résidence en ces lieux, je ne le comprends pas trop. Et puis, mon père est étrange avec ses idées qu’il est temps qu’on “s’entraîne” ensemble. Je ne sais pas à quoi il pense, mais ces entraînements me donne l’étrange impression qu’on va aller à la guerre. Non. Laissez tomber. J’ai l’affreux pressentiment qu’on risque d’aller chasser…

Laissant ma chambre derrière moi, je descendis l’escalier de notre petite maison pour rejoindre mon père à la cuisine. Pas question que je le fasse attendre sans quoi, j’aurai droit à une remontrance, et dans sa nouvelle lubie de faire de moi un petit soldat, sans doute une centaine de push-up ou cinq kilomètres de courses… Lorsque je débarque dans la salle à diner, il est assis à la table sans pour autant avoir touché son assiette. La règle a toujours été d’attendre que tout le monde soit assis pour commencer à manger. Aussitôt que je pose mes fesses sur ma chaise, il attaque son repas et, par le fait même, mon interrogatoire quotidien sur ma journée au lycée. « Comment c’était les cours ? Pas trop de retard ? », demanda-t-il entre deux bouchées de riz. Je commence moi-même à manger, cherchant les mots pour répondre à ses questions sans laisser ma colère relié à notre exil dans cette ville pourrie passer dans mon ton. « Ça va. J’ai de l’avance dans toute les matières sauf en histoire. » Évidemment, comme je ne connais rien de l’histoire américaine. Ce n’est pas un sujet qu’on enseigne en Angleterre. « Malgré les cours avancé d’anglais, de calculs, de chimie, de physique et de français, je suis largement en avance sur le programme. » Avant d’atterrir au lycée de Beacon Hill il y a quelques semaines, j’allais dans une école centré sur les technologies et les sciences n’acceptant que les meilleurs étudiants de tout le Royaume-Uni. Autant vous dire que ce lycée dans cette petite ville paumée est de le petite graine aux côtés. « Bien. Ça laissera plus de temps pour t’entrainer. », répliqua mon père. Je ne relançai pas la conversation et il fit de même laissant le repas se terminer dans le silence le plus complet. En dix-sept ans, j’avais appris qu’avec mon père, il fallait éviter de poser des questions si on voulait avoir des réponses.


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