Saviez – vous que l’amour est une faiblesse, un point faible pour les hommes qui m’entoure, car les hommes sont faibles lorsque les femmes sont belles. Dotées de leurs charmes et de leurs atouts, elles rendraient fou chaque mâle qui poserait leurs regards sur elles. Comparez-les à des roses, prenez – en soin éternellement, car un beau jour, il se peut qu’elles vous le rendent en bien. En revanche, prenez-les à revers et leurs épines vous marque la peau à vie, sans aucunes délicatesses. Ainsi, voici, du peu que j’me souviennes, mon arrivée à Beacon Hills, il y a quatre ans ;

Je suis debout devant la porte écaillée de cette maison presque éventrée par la pauvreté du coin, proie de tous les vents qui s'engouffrent, hurlant, dans chaque interstice, chaque fissure qui semble, se faire faille béantes. Elles qui zèbrent la paroi d'un gris si morose qu'il frôle l'incolore, les gestes s'enchaînent, les regards d’incompréhension et de quiétude s’entremêlent avec la bâtisse. Le sang de ma dernière victime, vénère mon rêve éphémère d’une utopie parfaite. Servant d’offrande à ma colère qui grondait en moi, comme le tonnerre autour de nous. Et dans ma voix, il y a cette nuance particulière, quelques gouttes d'un mysticisme étrange ; dans le grave, le timbre révèle des sarcasmes issues de temps si lointains qu'ils frôlent l'oubli, des immémoriaux où le pouvoir suinte de chaque mot. Et la magie de ma rancœur répond, le dégoût s'éveille et ma rage se lève. Elle est là, cette rage, cette folie folle furieuse, qui frôle les hauteurs que la foule ne peut que rêver d'atteindre, à commander aux souffles et aux expirations. Elle les coupe et les gorges révérencieuses, les enferment ; même si mon souffle se trouve, un instant, otage de ma bouche - déjà qu'il se glisse dans l'interstice de mes lèvres insolentes, courbées d'une indolente suffisance.

Cette créature se morfond, à mes pieds, depuis que mes frangins et mon père me l'ont offert en guise de cadeau d'anniversaire. J’ose encore la juger et l’admirer même si elle m'implore son pardon. Dieu que je suis perpétuatrice de passions déchirantes. Pourtant, je suis ce qu’on pourrait dire «  Lucifer, au doux prénom de Lexie Mélucyne Grey, Reine des Enfers, et ma sauvagerie sublime, attise les désirs inavouables et insuffle des jalousies irrespirables. Quand vos regards se croisent avec le mien, c'est comme une bulle qui se referme sur vous. Une tumulte qui vous agite et vous tient en haleine. Une tension dans l'atmosphère qui fait naître d'invisibles éclairs, qui vous assaillent et vous transcendent. Un incendie qui ronge les entrailles d'envies démentes, l'esprit accablé d'images indécentes - souvenirs autant qu'imaginations se mêlent et se déchaînent.

Nos bouches se mordent et se dévorent, les doigts s'enfouissent dans les cheveux et tirent sans douceur sur leur longueur. Les ongles lacèrent ces épidermes qui s'embrasent dans l'intimité de leurs frictions, à peine voilés par les derniers pans de tissu oubliés dans l'effervescence, dénudés jusqu'à l'offense. Les souffles se trouvent et se confondent, s'évaporent dans leurs élans erratiques ; ces corps avides se pressent comme s'ils pouvaient, rien qu'un instant, se fondre l'un dans l'autre d'une manière qui dépasse l'anatomiquement possible. Aucune douceur dans les envies voraces. Pas de tendresse dans les caresses, la rudesse dans l'audace de ces corps qui s’enlacent. Les masques, pourtant, restent figés dans la glace. Je vous une haine profonde pour cette créature et elle, elle se sent coupable et se retrouve ronger par les remords.

Alors, sur mes lèvres, persiste toujours mon rictus provocateur, encore rehaussé par la clope mentholée qui revient inlassablement les embrasser. La fumée, dont l'âcreté laisse au fond de la bouche, un goût amer à l'image du magnétisme qui s'opère, envahi l'air comme l'insolence que tu exhales comme tu expires. Prédatrice railleur, le venin qui coule hors de mes lèvres, n'a d'égal que le velours dont je me pare, malgré la véhémence de mes moindres nuances. En réponse, c'est ma main qui s'élève, attrape ma dague avant de transpercer l'air et, autour de vous, les inspirations trébuchent à l'idée qu'elle perpètre l'offense – Oserais-je y mettre un terme ? Seulement, mon ombre ne bouges pas et ne cille même pas. Je continues à la fixer d'un air taquin et narquois tandis que mon sourcil s'arque, hautain ; que les lignes de ma bouche se tordent davantage, sinuosités retorses qui creusent en mes joues, les empreintes d'une fossette moqueuse et macabre. Le rictus se laisse voler sa précieuse prisonnière, et je poursuis mon chemin jusqu'à sa gorge, autorisant tes prunelles à errer un instant sur les courbes de son amer épiderme.

D’un coup de dague, je lui entaille l'épiderme de son cou blafard. Agissant comme une drogue doucereuse qui, dissimulant la déchéance sous l'illusion d'un extase, ne saurait amener que la mort au Paradis. Je la vois telle qu’elle est, cette insupportable abomination. Aussi belle que cruelle, l'insoumise au centre de toutes les convoitises. Et moi, dans tout ça ? Je suis un ouragan violent qui se déchaîne, une tempête qui l'entraîne, malgré elle, dans ses vrilles vindicatives. Vents impérieux qui claquent et qui frappent, provoquent l'impétuosité de vagues démoniaques. Véhéments amants, dont la valse dévaste le monde jusqu'à ses moindres vestiges ; dans l'air, une musique aux rythmes hypnotiques vous accompagne jusqu'à des hauteurs qui terrassent de vertige les têtes qui se lèvent pour tenter de vous suivre. Quelques inspirations volées, des regards qui s'accrochent et se défient. Un peu de fumée que j’extirpe à son visage et, c'est dans son dernier souffle que je l’achèves d’un coup de lame en plein cœur.

Ce n'est pas qu'une mise en scène, qu'un jeu pour me distraire. Je cherchais à m’enrager en la prenant de haut, pour me venger. Cette créature avait osé s’en prendre à l’être le plus cher, dans ma vie après ma cousine que je considère comme ma sœur. On peut facilement voir sur les traits de mon visage, en ce moment, l'amusement qui se mue en une malice carnassière, évocatrice de milles et unes vices. Ensuite, j’avance devant la foule des invités de ma petite fête d’anniversaire, entourée de ma famille, qui s’écarte inconsciemment pour me laisser passer, ils m’observent, fière de moi. Leurs regards coulent sur moi comme un torrent auquel s'ajoutent leurs murmures, c'est comme si le Paradis n’avait pas de place pour moi. Ils ne sont que spectateurs de ma rancœur légendaire, adorateurs de mon impérieuse grandeur.  

Avouez, donc, que j’en impose. Je suis le genre de demoiselle qui s’avère avoir plus d’attributs masculins que d’hommes qui les portent fièrement dans ce bas-monde. Ainsi, le cristal de nos verres tintent, l’heure d’annoncer l'audace du sarcasme sous l'honneur qui se feint. Parée d'une nonchalance exquise, je m'éloigne, vous  tourne le dos. Traverse à contre-sens, la marée des invités qui viennent se masser vers le lieu de la célébration. Mes prunelles accompagnent mon reflet, lorsque je croise dans le miroir, la prédatrice qui s'amuse de la vengeance toute prête à être exécutée. L'indécence qui me nargue, traque sa proie sans se faire prier, elle qui n’attend que le bon moment pour me faire sauter le disjoncteur, au niveau le plus haut, dans mon corps glacé et détraqué. Et la voilà, l’insolente demoiselle que je deviens. Je n’ai plus besoin que d'une fraction de seconde pour me montrer tel que je suis vraiment, depuis ces quatre dernières années.

Au jour d'aujourd'hui, je surveille ma cousine de très peu, jette des coups d’œils comme un automatisme instinctif, à peine conscient sans doute. Pourtant, aussi discrète et sournoise qu’une vipère. Je m’efforces de faire des coups de maître, en bougeant et agissant comme un serpent qui bondit sur sa proie. Et dans un semblant de tendresse, dépourvue de toute délicatesse, digne d’une franchise qui tranche et qui détonne, une véracité si simplement posée qu'elle déstabilise autrui comme un jeu de carte ébranlé. En somme, ce qu’il y a à retenir, c’est que je suis le feu qui se mêle à la glace, même si je viens d’un milieu aisé, fortunée, de Manhattan. Je suis comme un éclair qui traverse le ciel en pleine nuit, juste à côté de votre fenêtre. Un revirement presque total de situation quand on connait l’air de ma chanson. Ce n'est qu'un énième coup de ma petite vengeance, que j’octroies, drapé d'une hauteur des plus sournoise, plus pernicieuse, que mes lèvres s'ourlent, se tordent d'un rictus incisif. Je suis une ombre nouvellement alarmante qui s'étire comme une fauve sauvage et indomptable. En clair, Lucifer, elle a besoin de plaire, laissez – la, donc, faire ce qu’elle veut pour mener sa petite « gué-guerre ».