Un Kahina et deux Styras. Voilà ce qu’avait donné la fratrie Sylvans dont faisait partie William. En fait, ils auraient très bien pu s’arrêter après son frère Edward (deuxième en âge), mais par mesure de sécurité, ses parents ont fait un troisième enfant, afin d’augmenter leurs chances d’avoir un Styra dans cette génération avant qu’il ne soit trop tard. Alors évidemment, puisque la loterie ne dévoile son tirage qu’une fois l’adolescence atteinte, il y a eu de longues années où on entraînait les trois enfants dès l’âge de cinq ans au langage des signes, à apprendre les gestes pour manipuler un corps, afin que, le cas échéant, ils sachent déjà le B.A.-BA du pouvoir des Styras. Manque de chance avec Kayden, le premier-né, qui est comme leur mère, une Kahina. En revanche, les deux autres sont la fierté de la famille. Même si Edward retient beaucoup plus l’attention de ses parents, enfant prodige qui apprend vite, qui manie vite… Mais avec cette attention, la liberté s’envole.
Tandis que William, lui, a bien plus de leste dans ses agissements ; tant qu’il ne se perd pas dans son New-York natal et qu’il ne crée pas de problèmes… Car sa famille a certes des moyens, mais il n’est pas question de scandales pour autant, d’autant plus qu’il faut conserver le secret de ce qu’ils sont. Alors la prudence est de mise.
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En une nuit, il peut se passer un nombre incalculable de choses. Celles de William, lorsqu’il avait 27 ans, c’était bien souvent des heures passées derrière un bar à faire voler les bouteilles afin de créer les cocktails que les clients lui commandaient, à flirter avec la clientèle qui se laissait avoir par son regard sombre, ses boules folles et son sourire charmeur. Séducteur dans l’âme, il aime à savoir qu’il plaît, à savoir qu’il est capable de faire tomber les gens dans ses filets sans même utiliser sa nature de Styra pour cela. Homme comme femme, il n’a jamais vraiment fait de différence, il n’y a pas de mal à se faire du bien, après tout. Ou peut-être que si ?
Car le voilà, quatre ans plus tard, avec une petite fille sur le pas de sa porte, une main dans celle de sa mère. Mère qui est une femme qui a partagé les draps de Will une nuit, ou deux peut-être. Mais pas bien plus, il n’est pas genre à garder quelqu’un très longtemps, préférant profiter de sa liberté pendant qu’on ne l’oblige pas à, lui aussi, fonder une famille pour faire prospérer la famille de Styra que sont les Sylvans. Il ne comprend pas, ou plutôt, il refuse de comprendre. Lui, papa ? La plus mauvaise idée du monde, vous voulez dire ? Pas totalement irresponsable, il est pourtant loin d’être le genre taillé pour devenir père avant encore un petit moment et ça, même son grand-père l’a compris lors d’une discussion qu’ils ont entretenue la dernière fois que Will est passé à Beacon Hills. Mais comment le dire à un coup d’un soir quand il n’a pas pensé une seconde aux conséquences. Oh, il est prudent, mais une fois, un accident, c'est quelque chose qui peut arriver dans le feu de l’action.
La discussion fut houleuse, la mère cherchant à tout prix à refiler la petite à son père biologique, lui…Au final plus blessé qu’elle ne lui ait rien dit à propos de cet enfant que de la voir essayer de le lui refiler. Certes, il n’avait pas exactement envie d’être père la trentaine à peine passée, mais vu que la mère est humaine, inconsciente totale du monde surnaturel, il est plus sage que l’enfant reste avec lui. Dans le meilleur des cas elle est une Styra et donc tout de suite entourée de ses pairs. Dans le pire des cas, le bébé sera un humain et…Eh bien tant pis ? Elle fera tout de même partie de la famille. De toute manière, il serait inconscient de laisser la petite à sa mère pour les raisons citées plus haut.
Delilah. Lilah. Voilà le nom de la petite choute qui est entrée dans sa vie sans s’annoncer et avec elle, l’attention de ses parents qui retombe sur lui.
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L’appel lui a glacé le sang. Six mois. Six mois seulement que Lilah vit avec lui à New-York. Six mois où elle a déjà rencontré ses oncles, ses grands-parents, mais pas encore le reste de la famille qui vit à Beacon Hills. Il a annoncé la nouvelle, évidemment, mais n’a pas encore eu l’occasion de faire le voyage avec la petite pour leur présenter. Mais ce coup de fil…Sa mère, paniquée, qui lui annonce qu’il y a un danger, puis plus rien. Jamais il n’a cassé un verre au travail, et le voilà qui, dans sa hâte de rejoindre la maison de ses parents, brise un set complet de bouteilles.
Lilah. Ca ne fait que six mois, mais elle l’a appelé papa pour la première fois il y a un mois. Lui, il la surnomme Pumpkin. Non, par pitié, pas elle.
Il entre dans la maison et l’odeur du sang l’assaille aussi tôt. Son pouvoir est près s’il en a besoin, mais les chasseurs sont déjà loin. Alors ils parcourent les différentes pièces avec frénésie, craignant à chaque fois de voir le corps de Lilah, au milieu de ceux de ses parents et de ses frères, alors qu’il s’égosille à l’appeler. Puis une petite voix lui parvient et il file dans la salle de bain. Il ouvre les placards, avant de remarquer la panière à linge. Il l’ouvre et en sort sa fille, terrorisée, mais avec la présence d’esprit de se cacher du mieux qu’elle pouvait. Il la serre contre lui comme si la lâcher la ferait disparaître.
Plus tard, après un coup de fil à son grand-père Abe, ils sont dans la voiture en direction de la Californie, direction Beacon Hills.
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"Arrête de tourner en rond, ça ne sert à rien William." Le brun s’arrête, mais non pas parce que son grand-père le lui a demandé, mais parce qu’il a osé lui dire cela.
"Désolé d’être inquiet ; on est bloqué sous un dôme qui nous empêche de quitter la ville et en plus, tu es retombé au même niveau que moi. Comment je suis censé protéger ma fille de ces malades si tu ne peux même plus m’aider ?!""On trouvera une solution, Will. Fais-moi confiance.""C’est ça, en attendant, on est dans la merde jusqu’au cou !"Il sait qu’il est trop acerbe, trop injuste avec ce grand-père qui n’a pas hésité une seconde à l’aider lorsque William a débarqué de New-York avec sa fille. Mais il a déjà failli la perdre une fois, ce n’est pas pour retenter l’expérience maintenant. Sauf qu’il doit se rendre à l’évidence, il a beau être agile dans la manipulation physique, il n’est pas assez puissant. A New-York il avait son père et Edward pour l’aider à se protéger, ici, il avait son grand-père. Mais à présent ? A présent il a l’impression de ne plus rien contrôler du tout.
S’il était croyant, il se mettrait à prier.
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Les choses se sont arrangées, finalement, sans que personne ne comprenne pourquoi. Il a voulu partir, emmener Lilah loin de cette ville de malheur, mais…Elle est plus heureuse ici qu’elle ne l’a jamais été à New-York. William le voit bien, elle est plus joyeuse, le fait d’être proche de son arrière-grand-père, après la mort de sa famille, lui a fait un bien fou. L’esprit d’un enfant guérit vite, c’est vrai, mais il doute qu’elle se serait aussi vite remise de la tragédie qui a eu lieu il y a un an et demi sans le soutien du reste de la famille. Alors il reste, parce qu’il ne veut pas risquer de la rendre malheureuse, pas après ce qu’elle déjà vécu du haut de ses six ans. Pourtant, les relations avec son grand-père n’ont pas toujours été au beau fixe, notamment quand il a découvert son lien avec le fameux Collectionneur. Mais il reste son grand-père, l’un des rares qui restent de sa famille, si l’on omet quelques cousins éparpillés. Alors non, il ne va pas risquer de perdre l’un des rares appuis qu’il possède et certainement pas le seul autre repère que Lilah a trouvé dans cette nouvelle vie…
Ils verront bien de quoi demain sera fait.