Born in July

Quelle belle journée que celle ci. Non ? Si. Premier juillet 1994, tu nais au sein d'une famille belle et heureuse. Et aujourd'hui, c'est ton anniversaire. 14 ans, ça commence à faire un bail ! Tu connais Ilosgi comme ta poche - en même temps, au vu de sa taille... et tu sais mettre un nom sur chaque visage. Régulièrement, tu vas dans le bois avec ton frère, Dan, pour apprendre à grimper aux arbres, et à jouer au foot. Dan, tu l'adores, car c'est lui qui t'as appris à faire plein de trucs, dont le skate. Ce même skate dont tu ne te sépares jamais. C'est probablement lui qui t'as influencé au cours de ta vie, lui qui a fait en sorte qu'aujourd'hui tu portes des jeans et pas des robes. Tu aimes aussi Victoria, bien sûr, mais elle est trop jeune pour que tu puisses faire des "trucs de grands" avec elle. C'est aussi grâce à Dan que tu as obtenu le droit de te faire teindre les cheveux pour ton anniversaire. Jour à marquer d'une pierre blanche !




La musique est forte et tu te glisses entre les lycéens, ne perdant pas de vue l'homme qui vient de prendre par le bras une de tes amies. Tu ne le connais pas, et au vu de la tête qu'a tiré ton amie, elle non plus. C'est aujourd'hui le dernier jour des cours, alors forcément, tout le lycée est en fête. La musique pulse, l'alcool coule, les gâteaux affluent. Sauf que ce petit détail vient de te perturber, et c'est en fronçant les sourcils que tu sors de l'endroit, appelant à pleins poumons le nom de Julia. Merde, où a-t-elle bien pu se rendre avec ce type ? Et soudain tu le vois, la traînant vers le bois en grognant. Elle se débat, et c'est ça qui fait tilt dans ton esprit. Dans un regain d'adrénaline tu t'élances, "Eh, lâche là !" , et poursuis le duo jusqu'à la lisière du bois. T'es presque arrivée à leur hauteur quand tu le vois assommer ton amie et se tourner vers toi, sourire carnassier aux lèvres. "Je la voulais elle, mais tant pis."
L'instant d'après, une douleur aiguë te fais hurler et tomber à genoux, et seul l'éclat rubis de ses yeux t'accompagne dans ta perte de connaissance.

Why... ?

Tu ne sais pas ce qui a pu se passer. Tu... ne comprends pas. Qui es tu ? Tes mains tremblent tandis que tu répètes en litanie le nom de ton frère, allongé sur la mousse. Mais le sang coule en abondance, et les larmes qui te brouillent la vue ne t'aident pas. Tu ne comprends pas. Ce matin même, c'est son regard inquiet qui t'avais accueillis au réveil, et tu n'as pas eu le temps de placer un mot qu'il t'emmenais déjà dans les bois. À peine eu-tu le temps de reconnaître le cliquetis métallique d'une chaîne. Les mots qui ont suivis étaient flous, embrouillés, mais tu as pu en retenir un. Loup garou. Tu l'as pris pour un malade, tu lui as ordonné de te détacher, "Qu'est ce que tu fous, Dan ?", mais il n'a pas cédé, et vos êtes restés là, toi attachée à un arbre, lui assis sur une souche, à essayer de t'expliquer. La pleine lune, Leigh, un loup garou, incontrôlable, tu me fais confiance, n'est ce pas, Leigh, la pleine lune, tu me fais confiance, tu comprendras, Leigh, fais moi confiance.

Tu lui as fais confiance, parce qu'il était Dan, ton frère. Parce que tu venais d'avoir dix sept ans, qu'il t'a promis qu'une fois la nuit passée, ça se fêterait comme il faut, que tout rentrerai dans l'ordre, que tu comprendrais. Parce qu'il t'as dis que votre oncle avait subit une morsure lui aussi et qu'un jour, il - Dan - l'avait trouvé crocs et griffes sortis après être entré dans une colère noire contre votre père. Votre oncle avait été obligé de lui expliquer sa nature, de lui expliquer tout. Tu lui as fais confiance, alors pourquoi, oui, pourquoi donc se trouvait-il là, par terre, les yeux ouverts d'effroi, baignant dans une mare sombre ?




Les cris résonnent dans ta tête, bien trop fort, bien plus fort qu'avant. Tu titubes, tu heurtes des gens, pardon, excusez moi, en cherchant désespérément ta famille dans ce chaos qu'est devenu Ilosgi. Des bribes de phrases hurlées te parviennent au delà du crépitement des flammes dévorant les habitations. Ils arrivent, je les ai vu, des formes noires, non, attends moi, aidez moi, je les ai vu, au dessus du feu, ne me laissez pas, ouvrez la porte, des formes noires, où est mon fils, ils arrivent. Tout ça te parvient dans un flot de paroles ici et là, tout ce que tu comprends c'est qu'il faut se tirer de là, et vite.

Tu as trouvé tes parents et Victoria. Vous courez dans la direction du bois, là où entendu par un quelconque miracle que le feu n'a pas pris. L'air est brûlant, chargé de fumée, le sol est de braises, vous devez enjamber des corps, des poutres enflammés tombées à terre. Les cris d'enfants perdus résonnent dans ta tête, tout ça est trop fort, mais tu continues, il faut sortir de ce brasier humain.

Lorsque vous atteignez enfin ce bois, une bouffée d'air frais vous accueille et tu entrevois une lueur. Une lueur d'espoir de vous sortir de là. Vite, on y va, que tu hurles, mais c'est un autre cri qui te parviens en réponse. Tu tournes la tête et tes yeux s'écarquillent quand un arbre s'écrase entre toi et ceux qui t'ont suivis. Tu te précipites, tu vois au delà des flammes le visage terrifié de Victoire, tu dois la sortir de là, les sortir de là. Mais soudain tu entends la voix de ta mère, juste avant qu'un autre craquement sinistre ne retentisse. Cours, fuis.

Tu fermes les yeux. Et tu fais demi tour, te maudissant de toute ton âme.

And I see fire to the rain.
Cours.
Tes poumons te brûlent, ton sang martèle tes tempes, tes pieds dérapent dans la boue, et pourtant tu cours, tu cours plus vite que jamais tu ne l'as fais, tu cours plus loin que jamais tu n'as été. Un grondement sors de ta gorge et tu accélères, le vent te fouette le visage, tu es feu, tu es flamme, tu es rage, rage de survivre.
Cours.
Cours, cours toujours plus vite, cours toujours plus loin, cours sans jamais t'arrêter. Et tu obéis, tu cours, même si tu as envie de t'écrouler, même si tu titubes. Ton cerveau est déconnecté, tes jambes avancent seules, tout autour de toi ne sont que tâches floues et couleurs. Chaque goutte de pluie est une goutte acide, qui te brûle la peau, te faisant souffrir un peu plus. La boue entrave tes mouvements, les branches impriment des traces écarlates sur ton corps, mais tu ne t'arrêtes pas.
Cours.
Car il faut courir, toujours courir, jusqu'à en crever, jusqu'à rester à terre. Cours, cours sans un regard en arrière, sans un remord, sans un regret. Cours, pendant des heures, tombe et relèves toi, cours, en dépit du feu qui dévaste tout sur son passage, en dépit des larmes, serre les dents et accroche toi, cours en dépit du chaos, de la colère, cours et hurle, hurle à la mort et à la lune.
Mais cours.



La lumière t'aveugle et tu t'arrêtes brusquement, baskets déchirées sur la route. Tu ressembles à une sans abris, une fille paumée venant de nulle part. Et c'est vrai, tu ne sais pas où tu vas, tu ne sais plus d'où tu viens. Tu sais juste que tu as mal, que tu brûles de l'intérieur. Tes cheveux trempés tombent sur tes épaules et ton sweat ne te protèges guère de la tempête. C'est dans un silence assourdissant que tu vois une forme sortir de la voiture en criant quelque chose que tu ne comprends pas. Tu clignes les yeux tandis qu'elle s'approche de toi, tu n'as plus la force, tu n'as plus l'envie de courir.
Le bitume est mouillé quand tu tombes.

Said I was fine.

Ça va, oui, tout va bien, merci, non, je n'ai pas faim, juste de l'eau, ça va, merci, non.
Ça fais un jour que tu répètes ça inlassablement, et malgré la couleur vive de s cheveux tu n'as jamais été aussi terne. Tu es fanée, tu es recroquevillée de l'intérieur. En ce moment tu as juste besoin de dormir et de boire, que tu répètes depuis le matin. Ça ira mieux après. Mais c'est faux, rien n'a jamais été plus faux. Mais ça, t'arrive pas à l'accepter. Tout juste tu es arrivée à lâcher "Ils ont tout brûlé". Après, plus rien n'est sortit de ta bouche.

Ça fais trois jours que tu es chez ce couple qui t'as accueillis chez eux. Tu voudrais partir et les laisser tranquille, mais eux ne veulent pas. T'es cloîtrée dans ton silence obstiné, et pourtant il suffit de te regarder pour voir dans tes yeux les mêmes flammes que celles qui ont ravagées ta ville. Quand tu as vu les bougies sur le gâteau d'anniversaire du benjamin de ta famille d'accueil, tu as crié.

Une semaine, une semaine que t'es là bas. Lorsqu'aux infos l'annonce d'un village rasé par un incendie est passée, le père de famille, celui là qui t'as pris dans sa voiture, t'as regardé. Et t'as vu dans ses yeux qu'il avait comprit.
Toi, tu comprenais toujours pas.

Deux mois. Deux mois et jamais tu les remercieras assez. Leur dire aurevoir a été difficile, même si tu sais que tu peux repasser quand tu veux. En deux mois, t'as appris à accepter la mort de ceux que t'avais côtoyé pendant seize ans. T'as appris à t'accepter toi, telle que tu est. T'es pas un monstre, t'es un loup garou. Et même si dans tes cauchemars tu entends parfois le feu crépiter et les prunelles écarlates de ton agresseur luire dans la nuit, tu es capable de sourire. Et tu souris comme jamais. En deux mois, t'as appris à te faire à ses yeux bleus glaciers qui sont désormais tiens en tout instant, t'as appris à te monter optimiste, t'as appris à aimer la vie, tout simplement.




Quatre ans ! Champagne ! La musique résonne fort dans tes oreilles et t'éclates de rire tandis que t'essayes de te frayer un chemin au travers des invités de la fête. Ouais, quatre ans que t'es à Beacon Hills. En quatre ans, t'as rencontré des gens formidables, t'as appris de nouvelles choses, en quatre ans, tu t'es reconstruite. T'as appris à aimer cette petite ville qui t'as offert, sans le savoir, un refuge. Puis tu as même gagné de l'argent ! Deux ans de petits boulots ont aidés, c'est sûr. Désormais, tu as ton loft rien qu'à toi, en pleine ville, non loin du lycée. Lycée dans lequel tu as d'ailleurs trouvé un boulot en tant que pionne. C'est vrai que ce n'est peut être pas un boulot extraordinaire, mais toi, ça te conviens. Tu restes auprès des jeunes, tu organises des fêtes pour tout et n'importe quoi, tu assistes aux match de crosse... tu ne te voyais certainement pas derrière un bureau, de toutes façons.

Non, vraiment, ta vie est en ce moment même presque parfaite. S'il n'y avait pas cet étrange Cade Lewis et tout ces... problèmes surnaturels. Depuis peu, tu es en recherche d'une meute, éventuellement. Ça pourrais aider. Mais désormais, rien ne pourras t'enlever ce que tu es. Et rien ne pourra faire de mal à cette ville qui a été ton refuge sans que tu essayes de l'en empêcher.