Je suis née dans le coin, il y a maintenant un quart de siècle. Ma vie n'a pas été mouvementée par la tristesse lorsque j'étais enfant. Très loin de là même. Durant neuf années, j'ai été l'unique gamine du couple que mes parents formaient, jusqu'à l'arrivée de ma petite sœur. L'écart entre nous, a fait qu'il n'y a pas eu la rivalité qui existe dans toute les fratries. Je m'occupais d'elle, j'en prenais soin, et plus tard, je la gardais. Ce qui évitait à mes parents d'embaucher une baby-sitter. Mes études, je les ai suivi à Beacon Hills, de la plus petite école au lycée, puis pour mes études d'infirmière. J'ai ensuite réussi à décrocher un emploi et j'ai volé de mes propres ailes, en prenant un appartement, alors que mes parents avaient vendu la maison, pour partir vivre sur les terres qui ont vu ma mère naître.


Pourtant, si peint de cette façon, ma vie semble être quasiment parfaite et parfaitement banale, elle ne l'a pas été tant que je veux vraiment le faire croire. Il y a toujours eu quelque chose de bizarre à la maison. Mes parents semblaient toujours me cacher quelque chose. Ils étaient souvent absents, surtout les nuits et leurs explications ne tenaient pas vraiment la routes, tant leurs discours pouvaient être différents, lorsque je les prenais chacun d'un côté, pour poser des questions. Depuis toute petite, je craignais de connaître la vérité. Ma plus grande peur était d'apprendre qu'ils étaient des espèces de tordus, faisant des choses qu'il ne valait mieux pas que je sache. Mais comme toutes les enfants du monde, j'étais curieuse et souvent je captais des discussions qui me paraissaient ennuyantes et dénuées de sens, à mes oreilles. A cette époque-là, je ne pouvais pas comprendre. C'était impossible, tout comme je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé le soir de mon dixième anniversaire. La fête avait duré toute l'après-midi et les autres enfants étaient repartis, une fois leurs parents arrivés. Ma sœur, encore petite, dormait dans son lit, pendant que je faisais le compte de mes cadeaux et que mes parents s'adonnaient à ranger toutes traces du passage de mes amis. Ils avaient du boulot en y repensant. Mais d'un coup, Slade a fait irruption chez nous. Ce n'était pas la première fois qu'il venait à la maison et d'habitude, c'était avec lui que mes parents avaient ce genre de conversation bizarre. Il s'était toujours montré normal avec moi, sauf ce soir-là. Il était étrange et il voulait m'emmener avec lui. Ma mère m'a conduite au fond de la pièce et mon père s'est interposé. Une dispute a explosé et j'ai entendu ma petite sœur pleurer dans le haut de la maison, réveillée par tout le vacarme qu'ils faisaient. Moi, j'étais terrorisée et d'autant plus lorsqu'ils ont commencé par se battre et que mon père n'a pas eu le dessus, se faisant démolir par Slade. Quand il a fini par partir, je me suis dépêchée de monter à l'étage pour rassurer Sidney. Une question demeurait en moi, qu'est-ce qu'il voulait dire en disant que j'étais aussi une Steel ? Je n'ai jamais osé questionner mes parents à ce sujet, préférant ne pas revenir sur cette soirée désastreuse.

J'ai tenté d'oublier et le temps m'y a beaucoup aidé. Le collège a suivi, puis le lycée et enfin les études. Parfois, surtout lors de mon anniversaire, j'y songeais, mais ne me décidais toujours pas à en reparler. Quant à mes parents, ils étaient toujours aussi étranges. Après mes études d'infirmière, j'ai réussi à obtenir un emploi dans l'hôpital du coin. J'en ai profité pour prendre un appartement, alors que mes parents, de leurs côtés, décidaient de vendre la maison pour retourner où ma mère avait grandi. Ils ont emmené Sidney avec eux et elle m'en a énormément voulu de ne pas la prendre avec moi. Je l'aurais bien fait si mon père ne m'en avait pas empêché en me menaçant. Et puis, le temps a passé. Mon contrat arrivé à bout, il n'a pas été renouvelé à cause d'une crise mettant à mal bien des hôpitaux. Beaucoup de collègues ont dû chercher ailleurs également. Me concernant, j'ai fini par trouver un job à Eichen House. Ce n'est pas vraiment là-bas que je comptais travailler, puisque cet endroit m'a toujours fait froid dans le dos. Mais sans autre option, je n'ai pas pu refuser. Il me fallait de quoi payer mon loyer et remplir le réfrigérateur, ne voulant pas partir rejoindre mes parents.

Aujourd'hui, j'ai vingt-cinq ans et on pourrait croire que de l'eau a coulé sous les ponts. Pourtant, ce n'est pas le cas. Ma vie ne s'est pas apaisée pour autant et je ne pense pas qu'elle le sera un jour. J'ai récemment appris que mes parents avaient été retrouvés morts dans la forêt de Beacon Hills, alors qu'ils semblaient être venus me rendre une petite visite surprise. Pour Sidney, c'était soit le foyer, soit mon appartement et malgré la rancœur qu'elle me porte, elle a accepté de venir vivre avec moi. J'ai tout fait pour me rapprocher d'elle et aujourd'hui, je fais tout pour l'éviter. Parce qu'une fois encore, il n'est pas question que ma vie soit un long fleuve tranquille. Il y a peu, alors que je voulais voir l'endroit où mes parents avaient été retrouvés, persuadés que quelque chose m'était caché, j'ai violemment été attaquée par une créature digne d'un film d'horreur. Il m'a méchamment mordu, mais je suis parvenue à me sauver, regagnant ma voiture pour repartir chez moi. Je n'en ai pas parlé à ma sœur tout de suite et le lendemain, la morsure n'y était plus, finissant par me faire vraiment croire que je perdais la tête. J'ai donc continué, comme si de rien n'était. Mais je me sentais plus impulsive qu'en temps normal et pour un rien, je perdais patience. A Eichen House, j'ai même dû m'isoler dans les toilettes, pour ne pas m'énerver. Ce que j'ai vu en relevant le regard sur le miroir, m'a paralysé de peur. Mes yeux n'avaient alors plus rien d'humain, ni même ces dents. Je commençais à chercher des informations sur les dernières disparitions en ville. Des attaques animales mais d'après les photos, j'imagine que ce n'était en rien le cas. J'ai donc fini par tout faire pour éviter Sidney, craignant de lui faire du mal.

J'ignorais alors tout de ce qu'il m'arrivait jusqu'à ce que je me réveille dans la forêt, après qu'une dingue m'ait assommé avec, ce que je jurais être, une poêle à frire. Ce réveil fut brutal alors qu'un homme tentait de me ramener à la réalité. J'ai cherché à l'attaquer, mais en voyant que ses yeux changeaient aussi de couleur, j'ai fini par me stopper dans mon élan. Grâce à lui, grâce à Peter, j'ai appris ce que j'étais et surtout que je n'étais pas seule. Trouver quelqu'un d'autre qui vit la même chose que moi, m'a énormément rassuré et nous nous sommes revus à quelques reprises.

A présent, il me faut vivre avec tout ça et d'après Peter, nous ne sommes pas les seuls, il existe beaucoup d'autres créatures, ainsi que des chasseurs prêts à tous nous tuer. J'ignore encore si je dois en parler à Sidney et je crains sa réaction. Elle est la seule personne qui me reste au monde, je n'ai pas le droit de la perdre et encore moins, de la mettre en danger.