Une nouvelle ville, ça ne veut pas forcément dire une nouvelle vie, de nouveaux amis, un nouveau look. Ça veut surtout dire des cartons. Pleins de ces petites boites rectangulaires dans ta chambre. Mais bon, parfois on n'a pas le choix. Surtout quand tu vis chez ta mère.

En réalité, j'ai bien un choix à faire : qu'est ce que je garde, qu'est ce que je laisse ? C'est mon premier déménagement, mais je suis sûre qu'il faut commencer par là : c'est comme ça qu'ils font à la télé. Du coup, je me motive et je commence à faire des tas en fonctions de l'utilité : vêtements, jouets, meubles etc.

Cinq minutes plus tard, c'est au tour du bureau. Je commence à vider les tiroirs, et devinez sur quoi je tombe ? Une petite clé dorée. Du toc, évidemment, mais dans ma tête, ça fait « BOOOOOOOM ». Vous ne suivez plus? Et si je vous dis que c'est ce que toutes les petites filles veulent ? Ah, quand même. Tandis que vous cherchiez, moi, j'ai déjà ouvert mon armoire et j'ai jeté tous les pulls soigneusement pliés dans un coin de la pièce. C'est sûr, si maman arrive, je suis morte.

Mais la petite fille en moi a besoin de savoir. Mettant à nu la serrure cachée sous mes vêtements, j'insère doucement la clé, minuscule dans mes mains. Et clic ! La « porte » secrète s'ouvre, révélant mon journal intime.

Il pue toujours autant. Lors de mon premier rencard, je l'avais accidentellement recouvert de la moitié du parfum de ma mère. J'avais d'ailleurs été sévèrement punie pour le lui avoir pris sans sa permission et tout cela pour me prendre un lapin. Le journal avait empesté ma chambre pendant des jours, j'ai du le planquer là dedans en attendant que l'odeur s'estompe.
Mais aujourd'hui, ce parfum écœurant a une saveur nouvelle : celui de la nostalgie. M'asseyant sur mon pouf rose ( on ne juge pas le choix des couleurs ), je me mis à le feuilleter, en prenant mon temps. Ce petit livret rose ( j'ai dit qu'on ne jugeait pas ! ), avec ses pages jaunies par le temps et l'humidité, contient en lui ce dont j'avais besoin : un retour au source.

Sur la première page, un dessin de ... Quelque chose est collé. Je n'ai jamais été très bonne en dessin, mais là, ça vaut carrément une médaille. Quoique je doute qu'on accepte cela comme du dessin. Peut être en tant que preuve d'une quatrième dimension ? Il faut dire que j'ai eu ce journal vers les 6 ans : c'était le seul moyen qu'à trouver ma mère pour que je m'entraîne à écrire. Et ça a marché ! Il suffit de regarder l'incroyable quantité de pages où je raconte ma journée, accompagné de temps en temps de massacre au crayon de couleur.

Mais on ne trouve pas que ça. Maman avait eu la gentillesse de coller avec moi des photos de nos journées ensembles. Même à l'époque, je ne fais pas mon âge. La malédiction des Asiatiques, je suppose. C'est pareil pour ma mère. Mais elle, c'est parce qu'elle est comme moi, une Kitsune : ça aide un peu. À  voir toutes ces photos, je ne peux m’empêcher de tiquer : il y en a si peu de mon père. C'est normal, après tout, je ne l'ai jamais connue. Et même si maman a toujours été la pour moi … et bien ça ne remplace pas totalement un parent.

Je saute quelques pages pour chasser ces vilaines pensées. Et puis, le quotidien d'une gamine de 6 ans n'est pas des plus passionnants. Poursuivant ma lecture, je tombe sur ma première compétition. Il faut que je vous dise : je suis douée en arts martiaux. Cela vient en grande partie de mon sang de Kitsune, donc je n'aime pas trop me vanter. En 9 ans, j'ai ainsi pu atteindre le niveau de ceinture noire en Kendo, Karaté et Judo. Bref, ma première compétition date de ma ceinture blanche de Judo. Mon maître m'avait fortement incité à y participer. Maman m'avait donc amené, un samedi assez pluvieux, il me semble. J'ai évidemment fini première, il est difficile de lutter quand on est humain.  Mais après cela, je n'ai plus jamais participé à une compétition. Je me rappelle que trop bien de certains parents qui engueulent leurs enfants parce qu'ils avaient perdus. Il y règne une ambiance déplaisante. Depuis, je pratique uniquement parce que je le veux, au grand daim de mes maîtres.

En y repensant, obtenir ma ceinture noire en seulement 3 ans avait surpris tout le monde, même ma mère, qui connaît pourtant mes aptitudes naturelles. Peut être que mon côté génie a joué un rôle. J'ai toujours pensé que si je réussissais aussi bien en cours, ou dans tous les domaines qui m'intéresse, c'est parce que je m'investis plus que les autres. Mais après avoir passé quelques tests, on m'a découvert un QI assez développé. L'exemple le plus évident est que j'aurais pu arriver à l'université à 15 ans. Mais bon, j'ai préféré prendre une année sabbatique, je l'avais mérité et j'avais besoin de décider de mon avenir.

Et me voilà aujourd'hui. 17 ans, prête à déménager à Beacon Hills, pour étudier et vivre près d’une vielle amie de ma mère qui connaît pratiquement tout ce qu'il y a à savoir sur les Kitsunes. Si quelqu'un peut m'aider à découvrir avec quel élément je suis liée, c'est bien elle. En attendant, faut encore que je fasse mes cartons...