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F Forest profitait de peu de moments de complicité avec sa sœur Aspen. Le poids de ses responsabilités, de ce que l’avenir lui réservait, l’avait rendue froide et distante avec le reste du monde. Il ne comprenait et n’avait jamais cherché à la forcer à s’ouvrir, ayant parfaitement conscience qu’elle se trouvait dans une position délicate. Son comportement l’agaçait parfois mais avec le temps, il avait appris à faire avec. Après tout, il n’avait jamais eu à porter comme ses sœurs la possibilité de devoir un jour prendre la tête des Ivians. Il était un homme et ne pouvait prétendre posséder un jour la relique. Il était plus aisé d’être proche de Rowan que d’Aspen, mais il ne refusait jamais un petit entraînement avec la plus âgée de la fratrie Walder. C’était l’un des rares moments où ils se retrouvaient tous les deux et où Aspen laissait un tant soit peu tomber sa garde, devenant plus une sœur que la femme qui portait sur ses jeunes épaules l’avenir de toute une race.
Forest ignorait combien de temps il avait passé au sous-sol avec sa sœur. Les obligations communes telles que les études, le travail, ne faisaient pas partie des préoccupations des Walders. Leurs incessants déménagements ne le leur permettaient pas et ils n’avaient de toute façon pas besoin d’argent, de ce côté-là ils avaient ce qu’il fallait pour vivre confortablement et si Forest s’adonnait à l’ébénisterie, c’était plus pour tuer le temps que pour arrondir ses fins de mois. Cependant, ils avaient d’autres impératifs et c’est Sloan, le druide qui les accompagnait et avait une fâcheuse tendance à jouer les trouble-fête au plus mauvais moment, qui se chargea de venir le rappeler à Aspen. Il mit ainsi fin à cet entrainement aussi sérieux que bon enfant, au grand regret de Forest qui ne portait déjà pas particulièrement le druide dans son cœur.
Ne t’en fais pas petite sœur, tu auras ta revanche la prochaine fois. Un sourire taquin sur le visage, il envoya une bouteille d’eau à sa sœur sans même regarder où il la lançait, sachant pertinemment qu’elle la rattraperait. Aînée de la fratrie, elle n’en demeurait pas moins la plus petite des trois et Forest ne manquait pas une occasion de la taquiner sur le sujet. Il n’adressa pas un mot à Sloan, récupérant son t-shirt avant de quitter le sous-sol. Il n’avait même pas encore atteint le rez-de-chaussée que déjà, sa sœur et le druide avaient entamé une conversation des plus sérieuses et à laquelle Forest ne prêta pas la moindre attention.
Leur druide leur était utile, il ne pouvait le nier. Cependant, la manie qu’avait sa sœur de n’écouter que lui avait la fâcheuse tendance de l’agacer. Des trois Walders, il était le seul à réaliser que le druide n’était pas un membre de la famille. Il ne niait pas l’aide qu’il leur apportait, tuant leurs ennemis à leur place au terme d’une bataille, les rafistolant chaque fois qu’ils revenaient d’un combat blessés… Cependant, il ne pouvait faire disparaître cet agacement qui surgissait lorsqu’il voyait ses sœurs en compagnie de Sloan, Rowan se confiant à lui, Aspen l’écoutant avec attention alors qu’elle ne prenait jamais en compte l’opinion de son frère et de sa sœur. Jaloux ? Il l’était peut être un peu, c’est vrai. Mais comme toujours, il n’en disait rien, et ce jour-ci n’échappait pas à la règle.
Gravissant les escaliers pour rejoindre le premier étage, il ne vit pas de trace de Rowan. Peut être était-elle dans la cour arrière, ou partie faire un tour… Il se rendit donc directement à la salle de bain, se débarrassant de la sueur accumulée durant son entraînement, laissant l’eau chaude délasser ses muscles encore tendus. Il avait pris quelques coups et un joli hématome était en train d’apparaître dans son dos, mais il s’en remettrait. Il en avait vu d’autre et lorsque l’on est empathe, on n’a pas vraiment d’autre choix que d’apprendre à supporter la douleur, qu’elle soit la sienne ou celle d’un autre. Il en était à enfiler des vêtements propres lorsqu’un mouvement attira son regard, par delà les limites de leur jardin. Une fois habillé, il décida qu’une petite balade en forêt s’imposait. Il avait toujours été bien incapable de s’en tenir éloigné très longtemps et s’il se contentait de suivre docilement sa sœur dès qu’elle décidait qu’il était temps de lever le camp, il n’avait toujours eu qu’une seule exigence : celle d’avoir une forêt à proximité. Une grande ville le rendrait dingue.
Il descendit donc tranquillement les marches et traversa la maison, puis le jardin, qu’il quitta pour s’engager dans la forêt qui s’étendait à perte de vue. La forêt était son domaine de prédilection et il n’avait aucun mal à s’y orienter et c’est assez rapidement qu’il trouva un arbre assez robuste où se poser et profiter d’un moment de solitude et de tranquillité, laissant à sa sœur et au druide le soin de faire en sorte d’assurer leur survie. Cela ne faisait pas très longtemps qu’il s’était installé, les yeux fermé, lorsqu’il ressenti un changement, il ouvrit les yeux, cherchant du regard qui pouvait bien venir troubler sa tranquilité. Si c’était de nouveau Sloan, l’accueil risquait de ne pas être aimable. Mais non, pas de druide. C’est une jeune femme qu’il repéra, passant non loin de son perchoir suivie d’un chien qui ne la lâchait pas d’une semelle. Forest fronça les sourcils, l’observant un instant, intrigué. Depuis qu’ils s’étaient installés ici, il n’avait vu que peu de personnes se balader dans cette partie des bois. Quelques joggeurs remontant le sentier au pas de course, rien de bien marquant. Cependant, même à distance, la jeune femme lui donnait une impression étrange. Elle semblait perdue et, paradoxalement, déterminée à arriver à destination, quelle qu’elle puisse être.
Laissant sa curiosité prendre le dessus, Forest descendit agilement de son arbre, atterrissant avec une légèreté qui contrastait avec son imposant gabarit, et emboita le pas de la jeune femme. Son chien semblait l’avoir remarqué, mais la demoiselle, elle, continuait d’avancer. Et soudain, elle se stoppa, au milieu de nulle part. Pourquoi ? C’était une bonne question.
Forest accéléra le pas pour se rapprocher. La découverte du dome qui les retenait prisonniers avait déjà classé d’office Beacon Hills comme une ville à problème. S’il l’avait su avant, ils auraient certainement passé leur chemin. Il semblait que cette journée ne ferait que confirmer cette première impression qu’il avait eu car il n’avait pas encore aperçu la masse immobile sur le sol qu’il ressentait déjà que quelque chose d’horrible s’était passé ici. Il ne fut donc pas véritablement surpris lorsque son regard se posa sur un corps sans vie, à quelques mètres de l’inconnue.
Hey, héla-t-il la jeune femme afin de s’annoncer et de ne pas la surprendre. Il n’avait pas fait d’effort pour se montrer plus discret qu’il ne l’était habituellement, mais elle ne semblait toujours pas l’avoir remarqué. Ses intentions n’étaient pas mauvaises mais se faire interpeller par un inconnu au milieu des bois ne rassurait généralement personne, si bien qu’il préférait annoncer sa présence.
Dawn trottait tranquillement derrière sa maitresse, puis la devançait, pour la laisser ensuite passer devant à nouveau, en reniflant les multiples odeurs de la forêt. Elle aimait beaucoup ce genre de balade dans la nature, bien plus que celles dans la boite à roues ou celles sur les routes de pierres. Dernièrement, les promenades dans les bois étaient nombreuses et souvent très longues, c’était parfait. La chienne s’arrêta quelques secondes près d’un arbre pour faire couler son eau et dut faire une course pour ensuite rejoindre sa maitresse qui marchait sans s’arrêter. Son museau alla toucher les doigts de l’humaine, afin de lui signaler qu’elle était de retour à ses côtés.
Sibel, l’humaine de Dawn, avait l’ouïe endommagée. Être les oreilles de sa maitresse était la fonction principale de la chienne, mais elle devait aussi la protéger des dangers. L’humaine possédait un sixième sens bien étrange qui l’empêchait parfois de réagir à ce qui l’entoure. Comme c’était le cas à présent. Trop concentrée sur ce qu’elle cherchait, elle ne donnait plus de caresses ni d’instructions. Dans ces moments, Dawn se devait de la suivre et de s’assurer de sa sécurité, tout en profitant du paysage et des odeurs.
Un craquement fit stopper la progression de la chienne. Elle leva les oreilles en direction de ce bruit. Au loin, Dawn aperçut un autre humain, un mâle. Le sens du vent n’était pas son ami, alors elle n’arriva pas à flairer l’individu de là ou elle était. Il était à une distance sécuritaire et immobile. Inoffensif. Bien que la curiosité la prise de plein fouet, l’animal, bien dressé, décida de continuer son chemin et de rester auprès de sa maîtresse. Ce fut peu de temps après que l’humaine trouva ce qu’elle cherchait.
Dawn l’avait flairé bien avant. Elle avait pris de l’avance, sachant par habitude que sa maîtresse irait dans la direction de l’odeur, elle aussi. Elle s’était approchée du corps humain inerte et puant, puis s’était assise à ses côtés, comme un chien de chasse. Le corps, en plus de puer la mort, dégageait aussi un parfum âcre inhabituel et très prononcé. Il était face contre terre. Un bout de bois était planté dans son dos, derrière l’épaule gauche. Un sang violet très foncé et épais s’en échappait, presque noir. C’est à cet endroit du corps que l’odeur était la plus prononcée.
Arrivée près d’elle, l’humaine de Dawn se planta à ses côtés et lui caressa les oreilles avec ses doigts fins. Levant les yeux, elle se rendit compte que sa maîtresse était consciente de sa présence. Son regard fut triste lorsqu’elle s’accroupit à sa gauche. Elle étira la main pour effleurer le bout de bois et observer la blessure. Soudainement, l’humaine échappa un petit cri, puis porta son autre main devant sa bouche ouverte, les yeux ronds. Dawn se demanda ce qu’elle avait vu pour réagir ainsi. Le duo avait l’habitude de ce genre de découverte ; l’humaine était rarement effrayée lorsque cela se produisait. Cette fois, quelque chose l'avait clairement prise de court, mais Dawn ne comprit pas ce qu'était. Peut-être était-ce l’odeur ? Ou peut-être était-ce ce bruit qui s’approchait d’eux par-derrière?
« Hey »
Dawn se retourna promptement. L’homme de tout à l’heure les avait suivis, et se trouvait à présent à l’intérieur du périmètre de sécurité réglementaire qui s’étalait sur quelques mètres tout autour de sa maîtresse. La queue de l’animal se raidit et sa tête s’abaissa, sa gueule s’entrouvrit pour laisser paraître ses dents. Dawn se mit à grogner méchamment, tout en s’approchant lentement de l’étranger. Derrière, sa maîtresse avait distingué son mouvement, car elle s’était aussi redressée et retournée. Prise par surprise, elle avait levé les mains sur les côtés de son corps en signe de paix.
Plus Dawn s’éloignait de l’odeur du corps, plus elle décela enfin celle de l’inconnu. C’était une odeur de bois, de feuillage et de quiétude. Dawn cessa de grogner et leva le museau pour renifler davantage, tout en continuant d'avancer. Assez rapidement, son flair en conclut que l’individu ne représentait aucun danger. D’ailleurs, elle se sentait attirée par lui et se mit à trotter dans sa direction, pour faire sa connaissance. Afin de ne pas l’effrayer, elle laissa battre sa grande queue gaiement et baissa les oreilles vers l’arrière en signe d’amitié. Dès qu’elle arriva aux pieds de l’humain, elle se mit à renifler ses chaussures joyeusement.
« C’est pas moi ! Rien fait ! Trouvé, seulement ! »
Dawn entendit la voix de sa maîtresse un peu plus loin. Elle ne comprenait pas le langage des hommes, mais reconnu l’inquiétude dans la voix de son humaine. Elle s'assura d’avoir un contact visuel avec Sibel, puis jappa un bon coup en tirant la langue. Elle espérait que l’humaine comprenne qu’il n’y avait rien à craindre. Pour prouver son point, Dawn imposa sa tête entre les mains de l’homme, en quête d’une caresse.
F orest n’avait pas pour habitude de suivre les gens à travers la forêt. Généralement, il se contentait de faire sa vie sans s’occuper de ce que les autres pouvaient bien faire de la leur. Néanmoins, il avait perçu quelque chose d’étrange dans l’attitude de la jeune femme, suivie de son chien, qui l’avait intrigué. Il ne pouvait voir son visage d’où il se trouvait mais à sa posture, à la détermination dans ses pas, il savait qu’il n’était pas le témoin d’une simple et innocente promenade dans les bois. Alors pour une fois, sa curiosité piquée au vif, il avait délaissé sa solitude pour la suivre à distance. Il se passait quelque chose avec cette fille… Elle semblait déterminée à aller quelque part. Mais où ? C’était justement ce qu’il comptait découvrir.
Il lui avait donc emboité le pas, tant toutefois se manifester trop distinctement et ce jusqu’à ce qu’elle s’arrête brusquement. Forest ne s’attendait pas vraiment à ce que cette étrange course poursuite les mène jusqu’au corps sans vie d’un homme et pourtant, même à distance, il n’y avait pas le moindre doute à avoir sur la trouvaille de la rouquine. Si la jeune femme ne sembla pas le remarquer quand il annonça sa présence, son chien, lui, fit volte-face et c’est tous crocs dehors qu’il l’accueilli. Si Forest était un empathe, il n’avait absolument pas besoin de ses pouvoirs pour deviner que l’animal était prêt à l’attaque, se méfiant de cet intrus qui pourrait être une menace pour sa maîtresse, qui s’était retournée elle aussi, levant les mains en l’air comme pour clamer silencieusement son innocence. Forest s’arrêta. Il avait généralement un bon contact avec les animaux, mais mieux valait rester prudent et laisser au canidé le temps de comprendre par lui-même que l’ivian ne lui voulait aucun mal, ni à lui ni à l’humaine qu’il protégeait. Rien ne pressait, de toute façon. L’homme était déjà mort, il n’y avait plus rien à faire pour lui. S’il ne l’avait pas été, Forest l’aurait senti. Il aurait senti sa douleur, sa peur aussi peut être, ou sa colère si ses blessures avaient été obtenues lors d’un combat quelconque. Il ne ressentait rien de tout ça. Tout ce qu’il percevait, c’était cette impression que quelque chose d’horrible s’était passé dans ces bois, sans être capable de savoir véritablement quoi.
Silencieux, il attendait donc, laissant le chien approcher, sentir son odeur et décider par lui-même s’il était digne de sa confiance ou non. Il sembla décider que oui puisqu’il se détendit, trottinant jusqu’à lui, à présent plus curieux que méfiant.
C’est pas moi ! Rien fait ! Trouvé, seulement ! dit alors la jeune femme, tandis que le chien venait renifler ses chaussures. Forest pouvait sentir son inquiétude, mais ce n’était pas ce qui l’interpella le plus. N’importe qui serait troublé de se faire surprendre sur le lieu d’un meurtre, c’était une réaction normale, quand on n’était pas un véritable psychopathe. Mais ce n’était pas ce qu’elle ressentait qui avait retenu l’attention de Forest, c’était sa voix. Son élocution. Il l’observa un instant alors que le chien, après un aboiement, venait glisser son museau dans sa main à la recherche de caresses, comme pour montrer à la jeune femme qu’elle n’avait rien à craindre de la part de cet inconnu. Il s’exécuta d’une main, tandis qu’il montrait son oreille de l’autre.
Tu es sourde, n’est-ce pas ? demanda-t-il, prenant soin d’articuler sans pour autant hausser le ton. Après tout, si son intuition était bonne il pourrait toujours crier aussi fort qu’il le voudrait, cela ne changerait rien du tout à leur petit problème de communication. Forest avait passé sa vie à voyager et maîtrisait de nombreuses langues, à des niveaux différents suivant le temps qu’il avait passé dans les pays où s’était installée sa famille, cependant ses connaissances en langue des signes étaient plus que limitées. Cela ne l’inquiétait pas outre mesure, en cherchant bien il y avait toujours moyen de surmonter la barrière de la langue, qu’elle soit écrite ou parlée.
Finalement, le jeune Ivian délaissa le chien pour s’approcher de l’inconnue et du corps qui gisait à ses pieds. Il s’accroupit auprès de l’homme, observant le pieu de bois planté dans son dos et le sang presque noir qui avait commencé à sécher. Une odeur désagréable, acre, s’échappait de la plaie. Forest tendit la main, recouvrant le bout de ses doigts de sang avant de les porter près de son visage pour en sentir l’odeur de plus près. Il fronça le nez lorsque l’odeur lui empli les narines avant d’essuyer sa main sur les vêtements de la victime et se redressa, prenant soin de faire face à la jeune femme. Je te crois. annonça-t-il à la jeune femme. Il est là depuis un petit moment déjà, à mon avis. Il n’était en rien un scientifique, mais il n’y avait pas besoin d’avoir fait de grandes études pour en arriver à cette conclusion. Rien ne semblait indiquer que le corps ait été déplacé. S’il avait été blessé ici ou y avait simplement succombé à ses blessures, Forest l’ignorait, mais il savant que la jeune femme n’y était pour rien. Comment l’as-tu trouvé ? demanda-t-il finalement, visiblement curieux. La détermination dans ses pas avait été évidente et il n’avait perçu aucune réelle surprise lorsqu’elle avait découvert le cadavre, alors que n’importe qui aurait été sinon choqué, au moins étonné. Comment pouvait-elle savoir où aller, et ce qu’elle y trouverait ?
Le niveau d’anxiété de Sibel était au tapis. Elle n’était pas ravie de s’être retrouvée au milieu des bois alors qu’elle aurait dû être à la bibliothèque avec son groupe d’étude. Dans son dernier souvenir concret, elle verrouillait la porte de sa maison, avec à l’épaule, un lourd sac contenant des livres et son ordinateur portable. Il s’y trouvait aussi son téléphone, seul moyen d’appeler l’un de ses frères pour qu’il vienne la chercher. Le contenu de ce sac dépassait les deux milles dollars et qu’en avait-elle fait ? Elle n’en avait aucune idée. Il était peut-être perdu quelque part dans les bois, sur le porche de la maison, au beau milieu de la rue, entre les mains d’un bienheureux, ou – elle l’espérait - en sécurité dans sa voiture. Elle ne savait pas, non plus, où elle se trouvait exactement ni combien de temps s’était écoulé depuis. Sa désorientation était totale.
Elle s’en voulut de penser plus à ses effets personnels qu’au cadavre qui gisait à ses pieds. Le plus triste était qu’elle était habituée à ce genre de découvertes macabres. Ce type d’événements n’avait plus autant d’impact sur la Banshee qu’à ses débuts. Au fil du temps, une sorte d’indifférence s’était installée chez elle. Parallèlement, elle se sentait parfois coupable de s’être autant endurcie. Avoir les épaules solides était un trait très typique des Montgomery. Sibel faisait honneur à son nom, au même titre que ses frères. Toutefois, son manque de sympathie pour l’homme mort qui se trouvait à ses pieds était, à ce moment, le dernier de ses soucis.
Les mains bien en évidence, Sibel fixait la réaction de l’étranger qui l’avait prise sur le fait. Dawn semblait avoir décidé qu’il n’était pas un danger dans l’immédiat. Elle la croyait, mais ce n’était pas là le problème. Elle venait d’être découverte près d’un cadavre. Généralement, cela signifiait qu’elle allait devoir rendre des comptes. Soit à l’inconnu, soit à la police, si elle était appelée sur les lieux. Sibel avait déjà parlé à la police à quelques reprises déjà. Comment expliquer qu’elle se trouvait encore sur les lieux d’un crime, cette fois ? Normalement, elle lançait un appel anonyme à la police et s’en tirait sans devoir faire de déposition. Cela n’allait certes pas être le cas aujourd’hui. Surtout si cet homme la croyait coupable ou suspecte dans cette affaire.
Une idée terrifiante lui traversa l’esprit. Et si c’était lui le coupable ? Et si c’était lui, le chasseur, qui venait pour se débarrasser des preuves ? Physiquement, c’était un colosse. Ses épaules étaient larges et son corps athlétique. Il pourrait facilement la maitriser. Sibel n’avait même plus accès à son pouvoir défensif, à cause de ce dôme inexpliqué. Devant lui elle ne pouvait que courir et espérer qu’il soit lent… mais non. Si cet étranger lui avait voulu du mal, Dawn ne se comporterait pas ainsi. La chienne n’agissait jamais de la sorte avec les étrangers. C’était à peine si elle le faisait avec Aedan. Cela se voulait rassurant, en quelque sorte.
Alors que le cerveau de la Banshee roulait à vive allure, l’étranger fit un geste très inattendu : il pointa l’une de ses oreilles. Même à distance, elle vit ses lèvres bouger. Il avait articulé sa question avec précision. Il lui demandait si elle était sourde. Sibel répondit par un hochement lent de la tête et baissa les bras, sa peur laissant place à de la curiosité nerveuse. Elle avait réalisé que le grand blond ne semblait pas choqué de ce qui se trouvait devant lui. Il affichait un calme exemplaire, alors qu’il s’approchait d’elle. Malgré l’attitude de Dawn, Sibel n’était pas totalement rassurée. Même la chienne pouvait se tromper sur ses intentions. Elle recula légèrement du cadavre, gardant ses distances, alors que l’étranger se penchait pour observer la masse au sol. La rouquine ne put réprimer une grimace en voyant qu’il se trempait les doigts directement dans le sang noirci, puis eut peur en le voyant approcher la substance vers son visage pour la renifler.
« Attention ! C’est poisson! »
Poison était le mot qu’elle avait voulu employer, mais elle avait toujours eu du mal avec les doubles consonnes. L’odeur et la couleur du sang qui sortait de la blessure en témoignaient. Jared avait déjà parlé à Sibel des Steels et de leurs méthodes cruelles. Cet homme, ou plutôt cette créature, n’avait pas été tué par le pieu qui sortait de son épaule. Il avait été empoisonné. Ce poison était l’un des favoris de la famille de chasseurs. Ils y trempaient leurs armes et leurs munitions. Dès qu’il y avait contact avec le sang, la créature était condamnée. Ce venin paralysait le corps, mais pas les terminaisons nerveuses. Il était si épais qu’il mettait du temps à se répandre dans le corps. Sa mort avait été lente, douloureuse et certainement terrifiante.
Sibel avait compris, dès qu’elle avait vu la blessure et sentit l’odeur qui s’en émanait. Elle redoutait cette famille de chasseurs. Contrairement aux Argents et à certains autres, ils ne faisaient pas la différence entre les bons et les mauvais. Sibel craignait qu’un jour, ce soit le cadavre bleu et tordu de son frère Aedan qu’elle découvre au fond des bois. De plus, leur haine du surnaturel n’était pas restreinte aux were-créatures. S’ils apprenaient qu’elle était une Banshee, elle deviendrait, elle aussi, leur cible. La jeune femme réprima un frisson.
L’étranger essuya ses doigts rapidement sur les vêtements de l’homme mort et se releva. Il était maintenant convaincu qu’elle n’y était pour rien dans la mort de cet homme qui semblait s’être produit depuis un long moment déjà. Ce à quoi Sibel acquiesça en soupirant de soulagement. Puis de but en blanc, l’individu lui demanda comment elle avait trouvé le corps. La nuque de Sibel se raidit. Elle ne pouvait évidemment pas répondre à n’importe qui qu’elle retrouvait des morts grâce à son pouvoir de Banshee, sans risquer de se faire interner ou pire encore. Dans ces circonstances, le mensonge était la seule option possible. Bien sûr, elle avait déjà une réponse toute prête pour ce genre de question. Elle secoua la tête et pointa vers Dawn.
« Pas moi. Le chien. Avec son nez. »
Pour appuyer ce qu’elle disait, elle toucha le bout de son nez. Avec la puanteur qui s’émanait du corps, il était repérable de loin. Il n’était pas nécessaire d’avoir un flair surnaturel pour le sentir. Elle espéra que cette explication soit satisfaisante pour son interlocuteur. Ne voulant pas se faire interroger davantage - déjà, elle en avait trop dit en parlant du poison - elle décida de détourner le sujet de conversation. Elle fit mine de réfléchir. Ce qu’elle allait proposer ne lui faisait pas plaisir, mais elle se devait de jouer la carte de l’humaine lambda avant de s’attirer les suspicions du grand blond. Quelqu’un de normal aurait sans doute comme premier réflexe d’aller chercher de l’aide. Sibel décida donc de jouer ce jeu, même si cela signifiait qu’elle devrait faire une nouvelle déposition au shérif Stilinski. C’était la seule option logique.
« Faut appeler la police. »
En parlant, son regard s’était porté sur le mort et elle eut une brève pensée pour Aedan. Elle devait mettre son frère en garde, au plus vite. Elle ne supporterait pas de le perdre de cette manière. Son cœur se serra d’inquiétude. Puis d’autres visages lui vinrent à l’esprit. Isaac, Raven, Elliott… Elle redoutait le jour où elle tomberait sur le corps d’une personne qu’elle aimait. Avant d’entendre parler des Steels, jamais Sibel n’aurait cru qu’un jour elle craindrait des hommes plus qu’elle ne craignait les bêtes.
D epuis toujours, la nature de Forest avait fait de lui une véritable éponge à émotions. Partout où il allait, il ressentait la joie des gens, leur colère aussi, leur peur ou leur peine. Il ressentait également la souffrance de la nature, si bien que son don ne lui laissait aucun véritable répit. Cela ne le dérangeait pas outre mesure. Forest avait depuis longtemps appris à y faire le tri, afin de ne pas se laisser déborder. En fin de compte, c’était un peu comme l’audition. Il percevait énormément d’informations qu’il fallait trier, apprendre à se concentrer sur l’une plus que l’autre, tout en acceptant que le son de la musique dans vos oreilles ne fera jamais disparaître celui du passage des voitures sur la route que vous longez. Bon, son don d’empathie avait cela de particulier qu’il pouvait, dans certaines situations, se montrer assez handicapant mais cela aussi, il l’avait accepté. Cela faisait partie intégrante de lui, de qui il était et de sa manière d’aborder le monde. Sans cela, il serait certainement bien différent.
L’anxiété qui émanait de la jeune femme était claire. Elle lui avait confirmé ce qu’il avait deviné de lui-même, mais sa surdité ne la rendait pas immune aux pouvoirs de l’Ivian qui, s’il ne pouvait bien entendu pas lire ses pensées, percevait ses émotions avec clarté dans le calme de la forêt. Il était cependant parfaitement incapable d’en définir l’origine avec précision. La découverte du corps ? Il en doutait, elle n’avait pas semblé le moins du monde surprise, et ne semblait pas perturbée de se trouver sur les lieux d’un crime, ce qui aurait pourtant déstabilisé n’importe qui. Enfin, il était bien placé pour parler, il n’était pas beaucoup mieux. Etait-ce alors les implications d’une telle trouvaille ? Le danger qui rôdait ? Il lui avait aussi semblé percevoir une certaine méfiance, qui suffisait à lui indiquer que la demoiselle était saine d’esprit et ce même si son chien s’était évertué à lui communiquer qu’elle n’avait rien à craindre de lui. Peut être était-ce un savant mélange de tout cela. Il l’ignorait – il était empathe, pas devin.
Attention ! C’est poisson ! l’avait-elle averti alors qu’il avait été recueillir un peu de sang sur le bout de ses doigts. Malgré une erreur tout ce qu’il y a de plus excusable sur sa prononciation, Forest n’eut aucun mal à deviner où elle voulait en venir. Poison. Il ne prit pas la peine de commenter car de leur petit groupe, le seul qui pourrait entendre ses paroles était le chien. Il ne manqua pas de noter, toutefois, qu’elle semblait savoir ce à quoi elle avait affaire. Plus le temps passait, plus il était convaincu que sa découverte n’était pas due au hasard. Forest devait trouver un moyen de recueillir un peu du sang contaminé afin que sa sœur puisse l’étudier. Si des chasseurs s’amusaient à jouer les apprentis sorciers pour éradiquer les créatures surnaturelles des environs, il serait sage de mettre au point un antidote efficace et il ne connaissait personne de plus doué que Rowan en la matière. Forest était persuadée que sa sœur serait ravie qu’il lui ramène des devoir, elles qui adorait jouer avec ses plantes autant que lui aimait travailler le bois. Il ne pouvait décemment pas emmener avec lui l’arme du crime, il devrait donc trouver une autre solution à son problème.
Pas moi. Le chien. Avec son nez. lui répondit la rouquine lorsqu’il lui demanda comment il avait trouvé le corps de ce pauvre homme. Forest esquissa un sourire en la voyant lier le geste à la parole et pointer du doigt le bout de son nez. Dire qu’il était entièrement convaincu par cette explication serait mentir, mais il se contenta d’un Hum… qui laissait clairement transparaître ses doutes.
Son regard se porta à nouveau sur le corps, puis sur les environs. Il cherchait un moyen de récupérer un peu du sang contaminé de l’homme sans risquer de s’en coller partout, mais tout ce qu’il avait sous la main, c’était des branchages et des feuilles mortes… Faut appeler la police, annonça alors la jeune femme, arrachant Forest à ses réflexions. C’était en effet la suite logique des évènements, mais il avait une petite chose à faire avant. Mon téléphone est resté chez moi. On pourra appeler de là-bas, si tu veux, ce n’est pas très loin, à la lisière de la forêt. Je dois juste faire quelque chose avant, expliqua-t-il, prenant soin de lui faire face afin qu’elle puisse lire sur ses lèvres.
Forest détourna ensuite le regard à la recherche d’une plante aux feuilles assez grandes pour lui permettre d’y recueillir un peu de sang. Lorsqu’il trouva son bonheur, il s’en approcha avant de s’accroupir. Prenant quelques précautions face à l’inconnue, il prit soin de se placer entre elle et la plante avant de poser sa main sur le sol à la base de celle-ci, l’émeraude brillant à son doigt. L’effet fut quasi-instantané et en quelques secondes, la plante repris vie, se parant de feuilles vertes et en pleine santé. Forest esquissa un sourire satisfait avant de couper une feuille de la plante. Finalement il se redressa et revint vers la rouquine et le corps inanimé le plus naturellement du monde et se baissa à nouveau. Faisant attention à ce que sa peau rentre le moins possible avec le sang empoisonné de l’homme, Forest ramassa quelques morceaux de feuilles mortes et de petit bois tâchés de sang, faisant en sorte d’avoir assez de substance pour permettre à sa sœur de travailler. Quand il eu terminé, il se redressa et, conscient que la jeune femme devait trouver son attitude étrange, tenta de s’expliquer sans trop en dire.
Je veux en savoir plus sur ce poison et je connais quelqu’un qui en saura plus sur le sujet que n’importe quel officier de police. Pas très précis comme explication mais pour sa défense, il doutait qu’elle ait trouvé le corps grâce à son chien. Il n’était pas le seul à n’être qu’à moitié honnête dans cette histoire. On y va ? A moins que tu ne préfères attendre ici l’arrivée de la police, proposa-t-il. Vu les dangers qui semblaient rôder dans cette ville il ne lui aurait pas conseillé, mais elle était libre de faire ce qu’elle souhaitait, après tout. En ce qui le concernait, il ne comptait pas s’attarder. Il n’avait rien fait de mal, mais il n’avait pas envie d’attirer l’attention sur lui et sa famille. La proximité de la demeure des Walder avec le lieu du crime leur vaudrait déjà certainement une visite des forces de l’ordre, et ce serait déjà amplement suffisant.
Trop occupée à réfléchir à un moyen de se laver de tous soupçons, Sibel s’était peu intéressée aux agissements tout aussi suspicieux de l’étranger. Pendant qu’il observait les environs, la Banshee se mit à l’observer lui. Il était tout à fait évident qu’il n’avait pas mordu à son histoire ; elle l’avait bien lu sur son visage. De toute façon, la benjamine Montgomery n’avait jamais été très douée pour le mensonge. C’était l’une des raisons pour laquelle elle avait peu d’amis. C’était aussi pour ça qu’elle préférait éviter de parler aux policiers. Pourtant, il n’avait pas insisté et elle en fut reconnaissante.
Le colosse n’était pas choqué par cette découverte non plus; il était d’un calme déroutant. Ce n’était pas commun chez les gens normaux d’agir ainsi. Ce qui les mettait tous les deux dans la catégorie des gens anormaux. Il était indiscutable que l’un et l’autre l’avait remarqué. Sibel ne savait pas si cette constatation la rassurait ou non.
Dawn, toujours enjouée et détendue, vint lui lécher les doigts avant de partir explorer. Pour l’instant, la jeune femme ne pouvait se baser que sur l’instinct de sa chienne pour se rassurer sur les intentions de l’inconnu. Jusque là, l’animal avait toujours su détecter les gens malveillants. Bien qu’il ne fallait qu’une fois pour se tromper, les probabilités qu’elle soit menacée par cet homme étaient très improbables.
Tout comme elle, il n’avait pas son téléphone, mais il ne vivait pas loin, et ils pourraient faire l’appel de cet endroit, affirmait-il. Le message était très clair, bien articulé et il avait parlé de manière à ce qu’elle le voit. Les traits de son visage détendus témoignaient du fait qu’il n’avait pas parlé plus fort que nécessaire. Les gens qui la rencontraient pour la première fois faisaient toujours l’erreur de lever le ton inutilement, par reflexe, mais pas ce grand blond. Son attitude était consciencieuse en lui parlant, mais aussi en analysant les lieux; elle s’en rendit compte.
Sibel n’était pas rassurée à l’idée de suivre un étranger jusqu’à chez lui, bonnes intentions ou non, mais n’avait aucune idée d’où elle se trouvait. Rester seule, au beau milieu des bois, n’était jamais une option réconfortante. Le fait que cela lui arrive souvent n'avait pas rendu l'exercice plus agréable au fil du temps. Elle hocha simplement la tête, signalant qu'elle avait saisi, et continua de l’observer en silence. Sans avoir du mal à comprendre ce qu’il faisait - recueillir du sang sur la victime - la Banshee n’en connu la raison que lorsqu’il la lui donna volontairement, toujours en articulant avec précision.
« Ah bon ? »
Son exclamation impulsive ne nécessitait aucun retour. Le poison des Steels était dangereux et sans remède à ce jour. Thomas, son frère aîné l’avait bien analysé. Il n’avait pas abandonné l’espoir de trouver un antipoison, mais n’y était encore parvenu. Peut-être que l’étranger connaissait un expert, un autre druide même. Quelqu'un qui pourrait les aider. Et s’il connaissait une personne avec de telles connaissances, avait-il aussi une connexion quelconque au surnaturel ? Cela expliquerait son attitude inébranlable. Sibel pouvait aussi complètement se tromper.
Cet individu l’intriguait, mais elle voulait surtout en savoir plus sur le poison des Steels. Est-ce que cet homme pouvait l'aider à protéger Aedan, Raven ou Isaac d'une mort atroce? Si c'était le cas, elle se devait de le suivre. Dawn était là pour la protéger, de toute manière. La rouquine avança donc un pied hésitant, puis un autre et s'engagea finalement dans la direction qu'il avait indiqué.
« Dawn ! Ici ! » appela t’elle, ne voyant pas son chien.
Côte à côte avec le jeune homme, elle pu voir qu'il était moins grand qu'elle ne l'avait cru. C'était sa carrure qui lui donnait cette impression de grandeur. Il ne semblait pas vraiment plus vieux qu’elle et sentait l'écorce d'arbre. Elle ne l’avait jamais vu avant, ni en ville ni à l’université, bien qu'elle vive à Beacon Hills depuis un peu plus de deux ans. Il était probablement nouveau en ville. Peut-être était-il là à cause du dôme ? Encore, ce n’était qu'une supposition à laquelle Sibel ne pourrait avoir de réponse sans se dévoiler elle-même. Et elle n’en était pas là.
Préférant laisser de côté tout l’aspect étrange de cette rencontre, elle décida de commencer par la base de toutes les bases. Il y avait, certes, beaucoup de choses qu’elle ne pouvait dévoiler, mais sa vie n’était pas entièrement faite de secrets.
« Je suis Sibel. » déclara t'elle calmement. Dawn apparut sur leur gauche en gambadant. Sibel fit un geste dans la direction du chien Inuit « Mon chien, Dawn. Aussi mon oreille. » Elle répéta le geste qu'il avait fait un peu plus tôt, en pointant vers son oreille. L’animal avait été, en premier lieu, choisie pour cette tâche par les parents Montgomery, quatre ans plus tôt. Dressée pour le combat et la défense, elle était aussi son garde du corps, mais cela Sibel ne le mentionna pas.
Sibel avait toujours eu du mal à discuter en marchant, à cause de son handicap. Elle devait regarder les gens avec qui elle parlait, tout en faisant attention à là où elle mettait les pieds. L’inégalité du sol en forêt rendait l’exercice plus difficile. En plus de cela, l’étranger avait de bien plus grandes jambes, elle devait donc marcher plus vite pour maintenir le rythme. Mais cela ne l’empêcha pas de poser une question qui la chicotait depuis qu’elle avait ouvert les yeux au beau milieu des bois.
« Où sommes-nous, s'il te plait ? Je suis perdue. »
L a vie de Forest avait été telle que plus grand-chose ne parvenait à l’ébranler. Il pouvait être surpris bien entendu, ce qui était quelque part assez rassurant, mais plus grand-chose n’était en mesure de le choquer, ni la mort, ni le danger, ni la découverte d’un corps au beau milieu de la forêt. Bien sûr, cela le touchait dans le fond. Il côtoyait assez la mort pour savoir qu’elle n’était jamais à prendre à la légère. Il avait conscience que cela pouvait le faire passer pour quelqu’un d’un peu étrange, voire peu engageant, mais quand on vit une vie telle que la sienne, cela n’a pas grand-chose d’étonnant. Guerrier et empathe, protecteur de la vie et de la nature qui côtoie le danger et la mort depuis son plus jeune âge, ces dualités étaient vouées à s’exprimer d’une manière ou d’une autre, à laisser des traces dans sa personnalités. Elles se traduisaient dans ses allures d’ours parfois mal léché, autant que dans la sensibilité que ces allures de bad boy servaient à cacher. Il suffisait de chercher. Alors oui, il était étrange. Mais il n’en avait que faire. Les faux-semblants n’avaient jamais été son truc, et il n’était pas non plus du genre à se plier en quatre pour rentrer dans le moule et devenir ce que les autres voudraient qu’il soit. S’il ne manifestait pas toujours ouvertement son désaccord, notamment face aux décisions de son aînée, c’est qu’il n’en avait pas vraiment besoin. Il était évident, lisible aisément dans son regard, audible même dans son silence.
Peut être que la jeune inconnue le trouverait bizarre. Parce qu’il n’était pas choqué, ni même dégouté à la vue d’un cadavre, parce qu’il prenait le temps de récupérer des échantillons du sang empoisonné de la victime, dans l’espoir muet de, qui sait, pouvoir éviter que les chasseurs qui rôdaient indubitablement ne fassent un massacre.
En attendant, Forest n’était pas le seul à baigner dans l’étrange ce jour-là, car s’il n’avait pas commenté, il ne croyait pas un mot à son excuse quant à la découverte du corps de ce pauvre homme. Il ne s’en formalisait pas, premièrement car il y avait des choses bien plus importantes dans la vie et deuxièmement, parce qu’elle ne le connaissait pas et ne lui devait donc pas vraiment d’explication. Elle était libre de justifier sa présence dans les bois et sa découverte comme elle le voulait. A mesure que le temps passait, Forest sentait l’inquiétude de la jeune femme se dissiper légèrement pour laisser place à de la curiosité. De la méfiance un peu aussi, mais la curiosité sembla prendre le dessus sur le reste puisqu’elle lui emboita le pas, rappelant son chien – qui, vu son nom, était en fait une chienne – lorsqu’il reprit sans même réfléchir le chemin qui mènerait au jardin des Walder. Il n’y avait pas de sentier mais il n’en avait pas besoin – il aurait retrouvé son chemin les yeux fermés. Ils parcoururent silencieusement quelques mètres, le regard de Forest se perdant dans les branchages au dessus de leur tête. Le sol avait beau être inégal, son pied était sûr. Toutes les forêts n’étaient pas identiques mais peu importe où il se trouvait, quelles espèces végétales ou animales la peuplaient, il était dans son élément. C’est la rouquine qui, finalement, brisa le silence. Je suis Sibel, se présenta-t-elle. Forest porta son regard sur elle alors qu’elle désignait son chien d’un geste de la main. Mon chien, Dawn. Aussi mon oreille.
Forest esquissa un sourire en la voyant pointer son oreille, comme il l’avait fait un peu plus tôt. Ses yeux se posant un bref instant sur Dawn, avant de revenir au visage de Sibel. A ce que j’ai vu, elle n’est pas que tes oreilles. Elle est aussi un sacré garde du corps, fit-il remarquer. C’était normal, quelque part. Elle protégeait sa maîtresse des dangers qu’elle ne pouvait entendre. Forest ne doutait pas une seule seconde que l’animal avait parfaitement compris que l’ouïe de sa maîtresse était défaillante, renforçant certainement ses instincts de protection. Je suis Forest. se présenta-t-il à son tour. Et sois rassurée, je ne suis pas un psychopathe, ou un serial killer. Même si c’est probablement ce que dirait un psychopathe… tenta-t-il maladroitement de la rassurer, ne pouvant ignorer la méfiance qu’elle avait ressenti un peu plus tôt à son égard et qui ne s’était pas tout à fait dissipée.
Afin de rester discret, il lui arriver souvent d’employer une identité différente, d’en changer comme ils changeaient de ville, de pays… D’autres fois, il utilisait son véritable prénom et il doutait fortement qu’ils seraient tranquilles bien longtemps à Beacon Hills, alors à quoi bon se fatiguer à prétendre être quelqu’un d’autre pour brouiller les pistes ? Leurs ennemis étaient peut être même déjà sur leurs traces et de toute façon, toute la population surnaturelle du pays semblait s’être rassemblée à Beacon Hills, les bons petits soldats de son oncle ne tarderaient sans doute pas à se joindre à eux.
Où sommes-nous, s'il te plait ? Je suis perdue. lui avoua finalement la jeune femme. Si Forest était bien incapable de se perdre en forêt et pas du genre à s’en inquiéter si cela venait à lui arriver, il ne devait pas oublier que tout le monde n’était pas aussi à l’aise dans cet élément que lui-même pouvait l’être. Pin Oak Drive n’est pas très loin. C’est là-bas que j’habite, lui indiqua-t-il, lui montrant d’un signe de la tête que la rue se trouvait quelque part droit devant eux. Le Starlight Drive-in est par là-bas, à un kilomètre à peu près, ajouta-t-il avec un signe de la tête, tentant de la situer au mieux.
Forest continua sa marche, observant les allées et venues de Dawn, occupée à sillonner curieusement les sous-bois. A n’en pas douter, elle devait trouver quantité d’odeur pour la distraire mais il l’avait vue plusieurs fois déjà se stopper pour vérifier que Sibel était toujours là, ou bien revenir juste pour lui signaler sa présence avant de reprendre ses explorations. J’ai toujours voulu un chien étant petit. On voyageait tellement que ma mère n’a jamais voulu, dit-il sans même y réfléchir, prenant toujours soin de regarder la jeune femme lorsqu’il s’adressait à elle. Elle s’en moquait certainement et à vrai dire, il ignorait lui-même pourquoi il avait ainsi pensé à haute voix. C’était quelque part une manière de la rassurer, de se montrer plus humain et de lui faire comprendre autrement qu’à travers des mots maladroits qu’il n’était pas un psychopathe préparant un plan pour la tuer et l’enterrer quelque part au fond des bois, mais il n’y avait pas que ça. Elle l’intriguait. Et le meilleur moyen d’en savoir plus sur les gens, ce n’était certainement pas en se montrant aussi fermé qu’une porte de prison.
Il ne fallut qu’un demi-sourire à Sibel pour décider qu’elle pouvait faire confiance à cet individu. Elle n’avait pas le flair de Dawn pour ce genre de chose, mais elle avait trois frères et connaissait par cœur les expressions de leurs visages. Aedan avait toute une gamme de mimiques différentes qui se voulaient des sourires. Colérique, moqueur, provocateur, taquin, mais aussi celui qui se voulait rassurant en étant faux, et puis celui qui dissimulait sa souffrance. Jared, le jumeau de la Banshee avait ce grand sourire arrogant, large et confiant qui le plaçait au-dessus des autres et qui le protégeait du reste du monde. L’un de ses favoris était le sourire-clin d’œil et elle détestait celui qui était machiavélique, lorsqu’il lui jouait un mauvais tour. Sibel avait perdu de vue Thomas pendant onze ans, mais il faisait toujours, après toutes ces années, la même demi-grimace lorsqu’il était amusé. Tous les trois possédaient aussi ce sourire honnête, souvent vite passé, qui venait de lui-même et de bon cœur. Effectué avec les lèvres, mais aussi avec les yeux, il n’était jamais réfléchi et laissait entrevoir une parcelle de leur bonté.
L’étranger n’avait qu’esquissé un sourire, mais Sibel avait perçu une telle étincelle traverser son regard. Cela la fit sourire à son tour. Comme s’il avait lu dans ses pensées il mentionna les talents évidents de garde du corps de Dawn, et la rouquine n’eut pas envie de le démentir. Elle hocha simplement la tête, avec une certaine fierté dans les yeux. Ensuite, il sembla se présenter à son tour avant de la rassurer sur le fait qu’il n’était pas un psychopathe et cela même si un psychopathe ne se présenterait pas de la sorte. Cela la fit rire. Elle regarda au-devant d’elle pour enjamber une branche de justesse.
« Oh Dawn le saurait, avec son nez. » Cette fois, elle ne mentait pas, son chien avait cet instinct qu’ont certains animaux. Bien qu’elle ait gardé un doute un peu plus tôt, celui-ci de dissipait de plus en plus. « Excuses-moi. Ton nom est Foret ? F-O-R-E-T ? » Sans s’en rendre compte, elle épela le mot dans le langage des signes en même temps qu’en parole. Toujours embarrassée de demander aux gens d’épeler leurs prénoms, c’était un exercice déplaisant qu’elle devait faire parfois. Elle avait assez d’expérience en ce qui concerne les mots de tous les jours, mais il lui arrivait de se buter sur les prénoms ou les noms de famille qui étaient moins communs.
Elle avait cru lire « Foret », mais se doutait bien d’avoir loupé quelque chose. Ou alors son interlocuteur avait eu de bien étranges parents. Pour elle, Skyla avait longtemps été Skala, mais personne ne l’avait reprise avant que Jared ne lui explique qu’elle le prononçait mal depuis des semaines. Les gens étaient souvent trop polis pour la corriger. Dawn avait été l’un des plus difficiles à apprendre. Quand la rouquine avait choisi son chien au chenil, elle avait déjà un prénom attitré. Il lui avait fallu aussi beaucoup de temps, étant enfant, à apprendre à dire son propre nom de famille. Sibel avait conscience que sa locution déficiente pouvait donner l’impression qu’elle était attardée. Demander aux gens d’épeler leurs noms la rendait mal à l’aise, mais elle préférait cela à dire la mauvaise chose et paraitre plus stupide encore.
Il y avait certes des mots plus difficiles à saisir, mais « Pin Oak Drive » n’en faisait pas partie. Sibel réalisa alors qu’elle était tout près de chez elle.
« Pin Oak Drive ?»
Elle se mit à marcher moins vite et balaya les lieux du regard à la recherche de repères. Elle leva la tête vers le ciel, afin d’estimer l’heure. Le soleil était encore très haut, ses rayons blancs traversaient les branches avec force. Sa transe ne devait pas avoir duré plus d’une vingtaine de minutes. Lorsque cela arrivait, elle perdait toute notion du temps et de l’espace. Ses reprises de consciences étaient toujours accompagnées d’une totale désorientation. Elle s'était crue beaucoup plus loin, à tord et cela la fit frissonner.
« Si près…? » dit-elle, alors que Forest lui faisait un signe en direction du Drive In. Elle hocha la tête, mais elle était ailleurs, aux prises avec de terrifiantes pensées. Avec ce dôme sur leurs têtes, les créatures ne pouvaient plus se transformer. L’homme mort qu’elle avait découvert avait été chassé sous sa forme humaine, alors qu’il était sans défense. Cela était une idée inquiétante en soit. La cerise sur le gâteau était que maintenant, les Steels chassaient à deux pas de sa propre maison. L’endroit où son frère ours-garou vivait aussi. Son regard se posa sur Forest, puis sur la feuille qu’il tenait dans ses mains. Elle n’était plus curieuse, non, elle était désespérée de savoir s’il pouvait trouver un contrepoison. Sibel déglutit et entreprit d’afficher un sourire crédible.
« C’est bien… Je vis là aussi. Tu es là depuis beaucoup de temps ? »
La Banshee allait devoir trouver un moyen d’aborder le poison avec Forest. Elle devait savoir qui était cette personne dont il avait parlé et s’assurer d’être mise au courant si un quelconque antidote existait. Pour cela, elle allait inévitablement devoir lui poser des questions et s’attendait aussi à devoir répondre à certaines des siennes. Elle décida d’attendre le bon moment, et détermina que ce ne l’était pas encore quand son compère se confia sur son désir de jeunesse d’avoir un chien.
Naturellement, les yeux de la rouquine se portèrent sur son chien qui zigzaguait devant eux et exprima un sourire attendrit. Avoir un chien de travail l’avait beaucoup aidé dans sa vie quotidienne, mais dans son cœur encore plus. Contrairement à Forest, Sibel avait vécu dans la même ville toute sa vie avant de déménager à Beacon Hills. Ses parents étaient plutôt sédentaires, travaillant pour la maison blanche et tout ça. Ce qui lui rappela une phrase que sa mère lui disait souvent : « Sibel, ma princesse, dans la vie on ne peut pas tout avoir. ». Elle n’avait jamais aimé cette idée. Un jour, elle voyagerait, elle aussi. Alors rien n’était perdu pour l'homme des bois.
« Tu n’es plus un enfant. Tu peux avoir un chien maintenant, non ? »
La Banshee avait dit cela naïvement. Rien ne l’empêchait de réaliser son souhait un jour où l’autre. Chose certaine, Sibel souhaitait à tout être doté de bonté de connaitre le même bonheur que lui apportait l’amour de son chien. Peut-être aurait-elle dû garder cette suggestion pour elle. La vérité était qu’elle ne connaissait rien à la vie de cet homme. Si cela se trouvait, il vivait toujours avec sa mère. Elle le saurait probablement bien assez vite.
L es animaux – et certains plus que d’autres – avaient des instincts, des sens bien plus affutés que ceux de n’importe quel homme. La technologie, le monde moderne n’avaient fait qu’affaiblir encore un peu le peu d’instinct qu’il restait à l’être humain. Sibel l’avait bien compris car elle semblait accorder une confiance quasi aveugle aux jugements de son chien, ce qu’elle ne manqua pas de faire remarquer à Forest. C’était une sage décision, même si bien entendu même Dawn n’était pas à l’abri d’une erreur. Dans tous les cas, Sibel semblait plus rassurée, au moins en ce qui concernait Forest, quand bien même l’Ivian pouvait sentir sans mal qu’elle n’avait pas l’esprit tout à fait tranquille.
Excuses-moi. Ton nom est Foret ? F-O-R-E-T ? lui demanda-t-elle, visiblement un peu gênée de poser la question. En même temps qu’elle épelait son nom, elle avait signé chaque lettre – par habitude, à n’en pas douter – mais bien trop vite pour que Forest ne puisse vraiment retenir quoi que ce soit. Cette question ne dérangeait pas le moins du monde le jeune homme. Lire sur les lèvres ne devait pas toujours être une tâche aisée et lui-même en était bien incapable, c’est pourquoi il faisait l’effort d’articuler aussi clairement que possible, histoire de lui faciliter la tâche. Et puis, elle n’était qu’à une lettre de la vérité, ce qui n’était pas si mal et ne changeait dans le fond pas grand chose. Tu y es presque. C’est Forest, répéta-t-il, insistant bien sur la lettre qu’elle avait manquée. Avec un S avant le T. Pour appuyer ses dires, il mima du bout du doigt le S, puis le T alors qu’il les prononçait. Il ne savait pas comment signer l’alphabet mais cela demeurait moyen assez clair de se faire comprendre.
Apprendre qu’ils se trouvaient non loin de Pin Oak Drive sembla prendre la jeune femme de cours. Lorsqu’elle ralenti, Forest ne la pressa pas, la laissant observer les lieux, prendre ses repères. Il n’était pas pressé, La proximité de la ville inquiétait la rouquine, Forest le ressentait clairement, mais il ignorait pourquoi. Il aurait pensé que se savoir plus proche que prévu de la civilisation la rassurerait mais cela avait eu l’effet inverse. Sans grande surprise, lorsque Sibel repris la parole, son agitation intérieure ne transparu pas dans sa voix. S’il n’avait pas été empathe, il ne s’en serait surement pas rendu compte, d’autant que son élocution particulière n’aidait pas vraiment à savoir ce qu’il se passait dans sa jolie tête rousse.
C’est bien… Je vis là aussi. Tu es là depuis beaucoup de temps ? lui demanda-t-elle, tandis qu’ils continuaient leur progression à travers la forêt. Ainsi, ils vivaient dans la même rue. Il était étrange que leurs chemins ne se soient pas croisés plus tôt mais d’un sens, Forest passait beaucoup de temps dans le jardin, travaillant le bois, et l’espace arboré n’offrait aucun vis-à-vis.
On a emménagé il y a quelques semaines. Tu as peut être déjà croisé mes sœurs. Ou au moins l’une d’entre elles, l’informa-t-il. Sibel avait sans doute dû croiser la route de Rowan, qui était de loin la plus sociable des trois Walder et la plus prompte à quitter leur maison pour aller faire un tour en ville. Forest n’aimait pas cela, l’idée que leurs ennemis puissent lui mettre la main dessus ne le quittant jamais vraiment. Si Aspen était une cible privilégiée, elle savait au moins se défendre, ce qui n’était pas le cas de Rowan qui refusait catégoriquement d’apprendre à se battre un minimum. Forest ne lui demandait pas de se joindre à lui et Aspen lors de leurs combats, tout ce qu’il voulait c’était s’assurer que sa botaniste de sœur soit parée à toutes éventualités… Au lieu de cela, il devait se contenter de se ronger les sangs dès qu’elle mettait un pied dehors.
Attentif à ce qui l’entourait, Forest savait qu’ils n’étaient plus très loin de la haie qui séparait la propriété des Walder de la forêt. Leur périple ne serait plus très long. S’il y en a bien une qui aurait fait des kilomètres, c’était Dawn. Alors qu’eux traçaient une ligne droite, simplement perturbée par les arbres présents sur leur passage, la chienne zigzaguait, passant d’arbre en arbre joyeusement, le tout sous le regard de Forest. Tu n’es plus un enfant. Tu peux avoir un chien maintenant, non ? suggéra Sibel lorsque Forest mentionna avec nostalgie ses désirs d’enfants. Il n’avait jamais été un garçon compliqué, faisant ce qu’on lui demandait sans broncher ni se plaindre. Dans la vie on ne peut pas avoir tout ce qu’on veut, il le savait. Une chance qu’il n’ait jamais voulu grand-chose, se contentant de peu et ne réclamant rien d’autre que de ne pas être enfermé dans une grande ville à l’air irrespirable pour cet amoureux de la nature. Un jour. Quand ma vie sera moins… Compliquée. répondit-il, voyant la haie du jardin se profiler à l’horizon. On est presque arrivé. Il désigna d’un geste de la main l’horizon, accélérant sans s’en rendre compte le pas. Il ignorait si ses sœurs seraient là. Rowan était sûrement encore en vadrouille, mais il ignorait si Aspen et Sloan en avaient terminé de leur grande conversation.
Une fois le reste du chemin parcouru, Forest écarta du bras la haie, révélant le passage jusqu’alors invisible qu’il avait créé pour faciliter ses allées et venues en forêt. Après toi, dit-il avec un sourire, la laissant passer devant. Dans le jardin trainaient encore quelques outils et la commode sur laquelle il travaillait avant son petit entraînement avec sa soeur. Un peu plus loin se trouvait le jardin minutieusement entretenu de Rowan, regorgeant de plantes en tous genre. Forest laissa passer Sibel avant de lui emboiter le pas mais alors qu’il traversait la haie, il sentit quelque chose atterrir sur son épaule et souris légèrement.
Il n’avait même pas besoin de regarder pour deviner qu’il s’agissait d’un écureuil. Le petit animal avait établi ses quartiers non loin de chez lui et avait rapidement adopté l’Ivian. Salut toi, le salua-t-il alors qu’il laissait le passage dans les arbustes disparaître derrière lui. Un petit creux ? Il piocha dans sa poche et en ressorti une noix que l’animal pris sans se faire prier. C’était après tout ce qu’il était venu chercher et ça, Forest le savait parfaitement.
J'ai hésité entre les faire rentrer ou m'arrêter là, si ça ne te va pas n'hésite pas à me faire signe ^^
Davina S. Fraser
Invité
Jeu 13 Avr - 19:40
Ainsi Forest était en ville depuis peu de temps, comme beaucoup d’autres. Beacon Hills étaient un endroit particulier qui attirait un éventail impressionnant de créatures, mais aussi de druides et de chasseurs, cela sans compter les humains lambda qui passaient entre les mailles. Sibel était à l’écoute d’un quelconque indice, ou signal, qui pourrait nicher son mystérieux voisin dans l’une de ces catégories. Seulement lorsque cela serait clarifié dans son esprit, elle saurait comment aborder le sujet du poison. Rien, cependant, ne laissait croire à Sibel qu’il ait quoi que ce soit à cacher. Il parlait avec aise, et donnait certains détails personnels, comme le fait qu’il avait beaucoup voyagé, qu’il aurait aimé avoir un chien, qu’il vivait juste à côté et maintenant, qu’il avait des sœurs.
La Banshee avait remarqué que Forest n’était pas des plus expressifs. Son visage était globalement impassible. Il esquissait bien un sourire par-ci par-là, et chacun d’eux semblaient sincères. Il ne souriait pas bêtement, comme certains, pour se cacher derrière de fausses apparences. Elle n’avait pas l’impression qu’il lui mentait, alors qu’elle lui avait mentit déjà, au moins deux fois. Au fond, c’était elle dont il fallait se méfier, pas l’inverse. Sibel allait se sentir coupable, mais elle se souvint que sa famille devait passer avant toute chose. Elle repoussa le sentiment.
« Oui, ou peut-être que tu as vu mes frères. Ils font du jogging. Moi jamais. Je marche. »
Et pour marcher, elle marchait. Loin d’être fan de sport, elle se tenait en forme grâce aux promenades avec Dawn, qu’elles soient volontaires ou non. Jared lui donnait parfois des cours d’auto-défense, mais c’était plus une nécessité qu’un hobby. Pour le reste, elle n’avait aucune habileté avec un ballon, ou une balle, ou même sur un vélo. Lorsqu’elle emmenait sa chienne en balade, c’était rarement près de la maison. Elles partaient toutes les deux en voiture et se déplaçaient vers un parc à sentiers, à quelques kilomètres de la maison. Si Sibel avait croisé l’une des sœurs de Forest, elle n’en gardait aucun souvenir. Elle n’y avait sans doute même pas fait attention.
Assez rapidement, ils se présentèrent devant une grande haie qui lui fut ouverte gracieusement. Sibel fit un signe poli de la tête avant de s’y engouffrer sans grande élégance. De l’autre côté, elle secoua ses vêtements et retira une brindille de ses cheveux, avant même de porter attention aux lieux. La résidence était légèrement semblable à celle des Montgomery, mais leur jardin était mieux entretenu. Clairement, des gens y passaient beaucoup de temps. Déjà, Dawn avait traversé et visitait les lieux, la queue battante. Par réflexe, la Banshee regarda par les fenêtres de la maison, pour voir si elle y verrait quelque chose, ou quelqu’un, mais de là où elle était, elle ne vit rien ; aucun indice.
En se retournant, Sibel se trouva témoin d’un surprenant spectacle. Elle ne put retenir un « Awwww » en voyant le petit animal perché sur l’épaule de Forest. Préférant ne pas effrayer l’écureuil, elle ne bougea pas d’un poil. Ces petites bêtes avaient tendance à détaler rapidement au moindre geste brusque et Sibel ne voulait pas gâcher le moment. Heureusement, Dawn ne porta pas son attention vers la scène, sinon elle se serait sans doute jetée sur le rongeur. Tout sourire, Sibel attendit que Forest la regarde, puis elle lui signa le mot « copain » suivi de « écureuil ». Elle prit la peine de bien prononcé les mots, bien que les signes en eux-mêmes fussent plutôt clairs.
U ne chose était évidente quand on apprenait à connaître Forest. Il était bien plus à l’aise perdu au milieu des bois, entouré d’animaux sauvages, qu’au milieu d’une ville à tenter d’être plus sociable qu’il ne l’était naturellement. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas les gens, non. Cependant, il était plus facile d’être lui-même perdu au cœur des bois qu’entouré de gens auxquels il savait qu’il ne pourrait jamais vraiment tout dire. Les animaux se moquaient de qui il était, de la vie qu’il avait menée, de ses pouvoirs, de sa race ou de son rang... Il n’y avait aucune complication, pas de méfiance,et il ne risquait pas de mettre qui que ce soit en danger en les attirant les ennuis qui le suivaient depuis toujours. Voilà pourquoi on était plus susceptible de le retrouver dans les bois qu’en centre-ville. C’était simple, naturel. Il ne fuyait pas le contact humain et la solitude qu’engendrait le train de vie des Walder lui pesait parfois, mais il était plus facile de ne pas trop se lier aux gens. Pas de trahison, pas de questions auxquelles il ne pouvait pas répondre, pas de regrets quand venait le moment de fuir pour la énième fois. Mais ce dôme les retenait à Beacon Hills, lui et ses sœurs, et ils seraient coincés ici pour une durée indéterminée. Peut être était-ce un peu pour cette raison qu’il parlait avec un peu plus d’aisance avec la jeune femme qu’il venait de croiser dans les bois. Ou peut être était-ce la situation en général. Ou alors Sibel, tout simplement. Allez savoir.
Oui, ou peut-être que tu as vu mes frères. Ils font du jogging. Moi jamais. Je marche. répondit-elle lorsqu’il lui avoua qu’elle avait plus de chances d’avoir croisé ses sœurs que lui. Dans tous les cas, elle ignorait qui étaient ses sœurs, tout comme lui n’avait pas la moindre idée d’à quoi pouvaient bien ressembler ses frères, alors ils seraient l’un comme l’autre bien incapable de savoir qui avait rencontré qui. A l’instar de Sibel, Forest n’était pas un grand adepte du jogging et préférait marcher. Il aimait le sport, il en avait besoin même, mais la course… Ce n’était définitivement pas son truc. Il n’y avait jamais trouvé un grand intérêt. Et puis, il avait passé sa vie entière à courir, au sens figuré du terme, pour fuir les ennemis de sa famille. Inutile en plus de passer son temps libre à le faire au sens propre, et il ne manquait de toute façon pas d’occasions de se dépenser.
Leur marche du jour était en tous cas terminée puisqu’ils avaient finalement rejoint la propriété des Walder, que Dawn entreprenait déjà de visiter alors que Sibel parcourait les lieux du regard. Forest, de son côté, se retrouvait aux prises d’un écureuil gourmand à la recherche de quelques friandises à se mettre sous la dent. Quand finalement la rouquine fit demi-tour, elle laissa échapper un Awwww. Forest détourna le regard du rongeur pour le poser sur le visage de la jeune femme, qui était comme figée devant cet étonnant spectacle. Copain, écureuil dit-elle alors, liant le geste à la parole puisqu’elle prit soin de signer ces deux mots clairement. Forest, habitué à s’adapter et à apprendre de nouvelles langues chaque fois qu’il se retrouvait dans un nouveau pays, s’efforça de les graver dans sa mémoire. Le langage des signes c’était pour lui une première, ce qui ne voulait pas dire qu’il n’était pas curieux sur le sujet.
Forest lui adressa un sourire tout en s’avançant un peu plus dans le jardin mais n’eut pas le temps de répondre. Dawn, à qui rien ne semblait échapper, repéra l’écureuil perché sur l’épaule de Forest. Il le sentit avant même que la chienne ne se mette à grogner, tout comme il sentit la crainte soudaine du petit roux perché sur son épaule. Il ne réagit pas cependant assez vite pour l’empêcher de s’élancer vers lui, prête à faire du rongeur son prochain repas. Forest tourna vivement la tête vers elle, puisant dans les pouvoirs de sa pierre afin d’apaiser Dawn et de lui faire passer cette soudaine envie d’attaquer. L’effet fut quasi-instantané. Pas de meurtre dans mon jardin, mademoiselle, l’avertit-il le plus naturellement du monde, pointant vers la chienne un doigt accusateur, tout en ayant parfaitement conscience qu’il risquait de passer pour un fou. Ca lui était égal. De véritables fous il en avait croisé quelques uns, et ils ne se contentaient pas de parler aux animaux. Une fois certain que la chienne était calmée et n’allait pas revenir à la charge, il confia une nouvelle graine à l’écureuil avait de l’attraper et d’aller le déposer sur une branche en hauteur, bien loin des envies meurtrières de Dawn. Désolé pour ça, s’excusa-t-il, espérant intérieurement que l’étrangeté de ce moment serait passée inaperçue – il y a le droit de rêver, non ? On a un voisin gourmand, comme tu peux le voir. Allez, viens. On a un coup de fil à donner.
D’un signe de la tête, il l’invita à le suivre jusqu’à la maison, ouvrant la porte vitrée qui les fit pénétrer directement dans la cuisine. Fais comme chez toi, je vais chercher mon téléphone. J’en ai pour une minute, lui dit-il, se tournant vers elle afin d’être certain qu’elle puisse lire sur ses lèvres, avant de filer rapidement à l’étage, où il avait dû abandonner son téléphone quand il était monté prendre une douche. Hey, y a quelqu’un ? demanda-t-il à tout hasard, pour vérifier si l’une de ses sœurs ou Sloan était présent. Pas de réponse. Il grimpa les escaliers quatre à quatre, prenant la direction de sa chambre. Il récupéra son téléphone, délaissé malencontreusement sur son lit, et entreprit d’appeler la police tout en redescendant d’un pas plus calme. Il en était à essayer d’indiquer le plus clairement possible où se trouvait le corps lorsqu’il retrouva Sibel à la cuisine. Une fois terminé, Forest raccrocha et déposa son portable sur le plan de travail. Ils vont envoyer quelqu’un, annonça-t-il à Sibel. J’ai malencontreusement oublié de leur préciser que tu étais sur les lieux. Il avait eu comme l’impression que se retrouver impliquée là-dedans l’embêtait, pour une raison qu’il ignorait. S’il avait un seul instant douté de son innocence il n’aurait pas omis ce détail mais il était convaincu qu’il n’avait pas face à lui une meurtrière en puissance, même s’il doutait que sa découverte ait été due au hasard. Je peux t’offrir un truc à boire ? A moins que tu préfères rentrer, proposa-t-il finalement tout en ouvrant un pot en céramique dans lequel il piocha un cookie, confectionné par Rowan – elle le connaissait par cœur et savait qu’il avait un faible pour ces petits gâteaux. Il tendit la jarre vers Sibel dans une offre silencieuse tout en croquant dans le biscuit.