D'aussi loin que je m'en souvienne, j'ai toujours vécu à Londres auparavant. Bien sûr, avec mes parents on a beaucoup voyagé, dans le monde entier même. Seulement, je pense que je devrais commencer d'abord par le début de mon histoire pour ne perdre personne en cours de route. Donc, je suis né à Londres il y a vingt-cinq années à présent. J'aurais dû avoir un frère jumeau mais, certains évènements dont mes parents refusent de parler, on fait que mon double est mort-né. Ma mère a beaucoup souffert de la situation ainsi que mon père. Quant à moi, je ne sais pas vraiment... évidemment, je ressens un immense vide au fond de moi, que rien ne semble pouvoir combler mais, contrairement à mes parents, je crois que je peux m'en sortir sans trop de casse dirons-nous. Toujours est-il que, je ne suis pas né dans un hôpital ou une clinique, je suis né dans la bibliothèque du Manoir familial. Vous savez, ma famille est grande et tout le monde vit avec tout le monde. Les grands-parents, les oncles, les tantes etc... on vivait tous sous le même toit, ou presque. Ça n'a pas duré bien longtemps cependant... Quand j'ai eu treize ans, un énorme incendie s'est déclenché dans le sous-sol, probablement un câblage défectueux ou trop vieux, je ne sais pas. On était en plein repas de Noël. Imaginez un peu l'immense tablée qu'il y avait. Je me souviendrais toujours de ce moment flippant où, alors que l'on venait de déposer devant nous une assiette bien remplie, la fumée est parvenue à la salle de réception dans laquelle nous nous trouvions. J'étais tétanisé, clairement. En même temps, je n'avais que treize ans, c'est compréhensible je pense. Tout le monde s'est mis à crier et à courir partout dans un désordre monumental. Moi, je me suis bêtement réfugié sous la table. La fumée est devenue de plus en plus épaisse et en entendant le cri horrifié de ma mère, il y a eu un déclic dans mon cerveau. Avec le peu de force que j'avais à cet âge-là, j'ai fait mon maximum pour sortir tout le monde de la fournaise. Mon père s'est retrouvé coincé dans le brasier car je n'ai pas été assez rapide. Par chance, les pompiers sont arrivés et après s'être fait un chemin dans les débris ardents, ils ont sauvé mon père. Il a été brûlé à vingt pour cent sur le corps mais ça ne se voit que lorsqu'il est en maillot de bain. Vous savez, quand je vois ses cicatrices, mon cœur et ma gorge se serrent parce que, si j'avais été plus fort et plus rapide, ça ne serait jamais arrivé. Je culpabilise encore aujourd'hui.

Après l'incendie, chacun a déménagé. Avec mes parents, on s'était trouvé une belle maison du côté de Notting Hill avec un petit jardin. C'était vraiment sympa. Et puis un beau matin, mon père a décidé de vendre notre maison pour partir à l'aventure sur le luxueux yacht qu'il avait acheté bien des années auparavant. Son travail couplé à celui de ma mère, nous permet de vivre plus que décemment. Je dirais même qu'on est suffisamment riche pour s'acheter une villa du côté de Los Angeles. Mais bref, ce n'est pas le plus important. L'argent ne fait pas le bonheur. On a donc voyagé durant plusieurs années. En fait, notre voyage s'est arrêté il y a moins de trois mois quand on a jeté l'ancre en ville. On a trouvé une maison plus que confortable mais il nous reste encore énormément de cartons à déballer. Mon père m'a dégoté un petit studio pour ma boutique de tatouages, j'ai toutes les autorisations nécessaires pour me lancer. Je ne sais pas si mon studio attirera les foules mais je ferais de mon mieux pour que les gens viennent. Et sinon ? Eh bien sinon je trouverais bien autre chose à faire. Je ne suis pas le mec le plus pessimiste du monde. Advienne que pourra.