Si il y avait bien une chose que Dayan détestait, c’étaient ces moments d’ennui total où il ne savait absolument pas quoi faire. Des jours comme ça, où il avait beau être motivé à sortir et faire quelque chose histoire de s’occuper – et dire que c’était rare, venant d’un flemmard comme celui-là –, et bien il ne trouvait personne pour l’accompagner. C’était bien marrant d’être seul de temps en temps, et il avait beau avoir une liste d’amis et pas mal de contacts dans son portable, pas moyen. À croire qu’aujourd’hui, il était résigné à s’ennuyer pour de bon.
Enfin, c’est ce qu’il pensait, jusqu’à ce que le Saint Esprit ne finisse par lui venir en aide. Il reçut un message, la chose la plus improbable du siècle si on en croyait la réaction qu’il avait eu – oui, il était désespéré à ce point ce pauvre Dayan –, et qui était en plus un message lui proposant de sortir. Si ça, c’était pas génial ! Après avoir lu le bref message, il s’était donc rendu compte que ce n’était autre qu’Alek qui lui avait proposé d’aller au bowling «entre potes», et il ne pouvait pas savoir à quel point il tombait à pique. C’était donc sans hésiter qu’il avait accepté, et il avait de suite sauté dans sa voiture pour rejoindre le fameux H’owley Alley. Il n’avait pas mis les pieds là-bas depuis un bail, en fait il n’avait pas été dans la plupart des endroits de Beacon Hills qu’il avait eu l’habitude de fréquenter avant son départ depuis un bon bout de temps, simplement parce qu’il n’avait pas eu le temps ou l’occasion. Au moins, ça lui permettait de revoir ces lieux et de constater à quel point les choses changeaient très vite en si peu de temps – quoique, deux ans, c’était assez long tout de même… pas vrai ?

Le jeune homme arriva donc bientôt sur le parking, se garant vite fait bien fait – c’est-à-dire de biais, empiétant ainsi deux places voire même trois… oui bah ça allait plus vite – avant de sortir du bolide en récupérant ses affaires. Il jeta un rapide regard circulaire, constatant qu’il y avait quand même pas mal de voitures garées, ce qui voulait donc dire qu’il devait y avoir un bon nombre de personnes à l’intérieur.
En rejoignant l’entrée du bowling, pensant retrouver Alek à l’intérieur, il finit par repérer le jeune homme adossé contre un poteau, le nez en l’air et le regard rivé… vers le ciel. Bon, il ne savait pas trop ce qu’il foutait, mais ça ne l’étonnait même plus maintenant. Il le connaissait depuis quelques temps à présent, Alek, même si ils n’étaient pas les meilleurs amis du monde ils avaient pu passer quelques temps ensemble, et – accrochez-vous bien, parce que ça risque de surprendre –, Dayan l’appréciait beaucoup. Il disait détester les génies mais il en côtoyait de plus en plus… ridicule. Qu’importe, au moins il l’avait sauvé d’une possible journée gâchée par l’ennui, et il le remercierait mille fois si il le pouvait ; quoiqu’il était trop attaché à sa fierté pour ça.
— Alors, prêt à te prendre une déculotté au bowling ?
La remarque du jeune homme devant lui le fit sourire, l’air presque malicieux et taquin. Il ne se rendit même pas compte qu’il ne l’avait pas salué, à part si l’on considérait ce petit pique comme un bonjour. Dayan passa près de lui, lui donnant un petit coup d’épaule amical, puis il continua vers la porte d’entrée, toujours avec le même air sur le visage.
— Parle pour toi mon pote, je vais te laminer ! lui lança t-il avant d’entrer dans le bâtiment.

Dayan savait très bien qu’en acceptant ce défi, il n’avait pas intérêt à perdre face au jeune homme. Même si il avait un sacré esprit de compétition, sur ce coup-là, Alek le battait sans problème, lui qui avait toujours envie de gagner et qui était prêt à tout pour obtenir la victoire. Le jeune Greene était bien plus fair-play que lui à ce niveau, et Dieu sait à quel point c’était dur d’avouer que Day était quelqu’un de fair-play, c’est dire. Enfin, tout ça pour dire qu’il devait gagner coûte que coûte contre Alek si il ne voulait pas que ce dernier le taquine pendant des semaines si il avait le malheur de perdre. Quoique, il ne se gênerait pas pour faire pareil si il emportait la victoire contre son ami… Disons que c’était tout ou rien.
— Depuis quand on est potes ? Gagne et tu auras le droit de m’appeler pote, petit !
Suite à la remarque d’Alek, Dayan lui jeta un regard et malgré une pointe d’amusement dans les yeux, il lança un rire volontairement faux et ironique, histoire de se moquer de son ami – comme il avait l’habitude de faire.
— «Petit» ? On a qu’un an d’écart je te rappelle !
Bon d’accord, Dayan faisait parfois plus jeune que son âge, surtout mentalement que physiquement, mais tout de même. Il détestait qu’on le prenne pour un gamin – quoique, techniquement parlant, il l’était encore… enfin, qu’importe, il n’allait pas faire tout un plat pour si peu. Et puis, il savait très bien qu’Alek disait ça pour le taquiner, rien de plus – et Dayan était loin d’être quelqu’un de susceptible, même si il pouvait y avoir des exceptions selon la personne. Sachant qu’Alek était un bon ami, il n’allait pas se vexer pour si peu, surtout qu’il commençait à bien le connaître à présent.

Il lâcha un léger rire amusé lorsqu’Alek le prit par les épaules, d’un geste amical, tout en riant lui aussi, puis ils arrivèrent enfin devant le guichet où un jeune homme les salua. Day’ s’accouda sur le comptoir, laissant parler Alek, avec ce sourire imbécile aux lèvres. Il se mit à observer les lieux, d’un œil distrait, n’écoutant pas totalement la discussion ; du moins jusqu’à ce qu’il sente le regard sadique d’Alek qui voulait tout dire, lorsque ce dernier proposa implicitement de faire un billard le temps qu’une piste se libère. Comme pour répondre à ce défi silencieusement lancé, Dayan lui offrit un grand sourire, l’air aussi malicieux et fourbe que le jeune homme à ses côtés. Au moins, pour le coup, il était certain de lui offrir sa raclée du siècle, sachant qu’il se débrouillait très bien au billard – du moins quand il le voulait.
Puis s’en suivit un petit jeu de séduction étrange entre Alek et l’employé du bowling, qui surprit d’abord Dayan, avant que ce dernier ne pouffe en levant les yeux au ciel à la dernière remarque de Richards.
— Ton numéro contre une réduction, sérieusement ? lança t-il, presque sarcastique, dès qu’ils quittèrent le guichet. C’est pas un peu de la prostitution ça ?
Ils se dirigèrent ensuite vers le fameux billard, et la phrase lancée par Alek suffit pour le faire éclater de rire. Du genre gamin, on ne pouvait pas faire mieux, mais il était certain que c’était voulu, alors il s’en fichait.
— Avoue-le, t’attends que ça toi !