Un cri brisant le silence de la nuit, puis des plaintes et des gémissements. Son réveil avait été brutal, mais il devait bien avouer être heureux de se réveiller. Horrible cauchemar. Juste un cauchemar. Il avait vu tous ses amis se faire tuer un à un : par lui. Il toucha son ventre, et constata qu’il saignait. Sa blessure était rouverte. Merde. Cela lui arrivait de plus en plus souvent. Comme s’il avait un  compte à rebours au dessus de sa tête. S’il ne se soignait pas, il allait mourir. Cette idée le fit frissonner. C’était stupide, mais vu ce qui lui arrivait, il se disait que sa meute était vitale et nécessaire pour lui. Sans eux, il perdait toute force de vivre. Et s’il restait encore plus longtemps sans eux ? Il en mourrait peut-être bien, finalement.
Ca serait peut-être une bonne chose, finalement. Qu’avait-il fait pour eux ?
Depuis qu’il sortait avec Kira, son renard s’était déchaîné.
Il avait infligé à Malia une vie humaine et l’avait forcée à affronter ses actions passées.
C’est à cause de lui que Lydia avait éveillé ses pouvoirs de Banshee, qui lui rongeaient l’esprit en permanence.
C’est parce qu’il avait réveillé le Nemeton qu’Allison était morte.
Et c’est toujours à cause de tout ça que Stiles était devenu le Nogitsune, provoquant la mort d’Allison et de tant d’autres personnes.

Il était celui qui avait ruiné leur vie à tous. Peut-être ne méritait-il pas leur amitié, finalement. S’il partait, peut-être qu’ils pourraient tous vivre une vie normale – si tant est qu’avoir des pouvoirs et du sang sur les mains nous permettait de vivre normalement. A moins qu’il ne les avait déjà tous corrompus, et qu’il était déjà trop tard pour faire machine arrière.
Il avait passé toute une journée à se morfondre sur ses erreurs et à regarder des photos. D’eux. D’avant. Lorsqu’Allison était encore là. Qu’ils s’étaient tous unis pour sauver Jackson, alors que la moitié d’entre eux le haïssait fermement. Maintenant ? Ils ne seraient certainement pas capables de s’allier même pour sauver l’un d’entre eux. Parce qu’ils ne sauraient certainement même pas que quelque chose se passait.

Le soir venu, il entendit quelqu’un frapper à la porte. Une personne venue embêter le père de Stiles, certainement. Puis il entendit une voix féminine qu’il reconnut facilement. Malia ? Ici ? Que faisait-elle là ? Ah, oui, elle devait venir s’expliquer avec Stiles, sûrement. C’était ce qui paraissait le plus logique – du moins jusqu’à ce qu’elle ne vienne frapper à sa porte. Encore trop sur le choc, il ne put ouvrir. Elle lui demanda s’il pouvait entrer. Il était encore en caleçon seulement sur son lit, une plaie béante visible. Il essaya de tout remettre en ordre, rapidement, sans faire trop de bruits – il oublia dans sa panique que Malia était une coyote-garou et entendait tout ce qu’il se passait – et se rhabilla. Il l’entendit s’asseoir, puis prononcer des mots qu’il n’aurait jamais imaginé entendre.

Non, elle n’avait pas le droit de dire tout ça. Il était le responsable. Il n’avait même pas écouté son meilleur ami qui avait toujours eu raison sur ça. Tout simplement car il avait envie de croire que toutes les mauvaises choses allaient un jour se terminer, et qu’elles s’étaient même déjà terminées. Naïve ? C’est lui qui l’avait été ! Il se cogna la tête contre la porte et s’appuya contre celle-ci. Il voulait lui faire comprendre qu’il l’écoutait. Il ne lui répondit pas tout de suite. Qu’allait-il lui dire ? C’était sûrement de sa propre faute si elle et Stiles avaient rompu. Alors que les deux s’aimaient – Stiles avait réussi à oublier Lydia, pensait-il. Enfin, il se doutait qu’il y avait toujours quelque chose, mais il ne souffrait plus chaque jour en voyant une fille qui ne le regardait presque jamais. Il avait vu Stiles sourire en leur disant « au fait, on est en couple ! » et il n’avait jamais été aussi heureux qu’à ce moment précis. Et maintenant ? Par sa faute, Theo avait tout brisé. Il s’était servi de Malia et l’avait jetée. Scott n’avait pas écouté sa beta la plus puissante. Il aurait peut-être du la laisser faire, finalement, lorsqu’elle avait proposé à Stiles de mettre une raclée à Theo. Elle avait sûrement raison, elle était plus forte que lui. Malia était plus forte que tout le monde. C’était une évidence.  Il s’était déjà assez entraîné avec elle pour le ressentir.

Et elle était la plus forte, sentimentalement parlant. Elle était certes pareille à toute la meute : perdue et détruite, mais elle était celle qui résistait le mieux et le plus facilement. Stiles lui avait dit qu’elle avait préféré ne pas impliquer la meute dans la recherche de sa mère, lorsque Malia avait effacé son nom du tableau de Stiles. Il avait fallu du courage pour faire ce choix. Elle avait préféré laisser ses amis en sécurité plutôt que de chercher à comprendre son passé. Elle avait fait ça pour ses amis. Malia était forte. Elle n’était pas faible, elle n’était pas naïve.

Il entendit du bruit derrière la porte. Elle devait sûrement se lever, consciente qu’il ne lui répondrait pas. Mais il avait besoin de lui parler.

« Tu n’as pas été naïve. »

Elle sembla stopper ses mouvements instantanément en entendant l’air brisé de la voix de son Alpha.

« J’ai laissé tout ça se produire. J’ai voulu croire qu’on pouvait faire confiance aux gens. Je t’ai laissé faire ce qui était mon rôle. J’aurais dû être celui qui enquêtait sur Theo, sur le danger qui nous guettait tous. Je devrais être celui qui s’occupe des menaces pesant sur nous avant qu’elles n’arrivent jusqu’à nous. Au lieu de ça, je t’ai laissé tout porter. Rien n’est de ta faute. C’est moi. J’ai été trop faible pour être votre Alpha. »

Il s’écarta un peu de la porte et l’ouvrit.

« Tu peux entrer… si tu le souhaites. »

Sur son t-shirt blanc trônait encore les gouttes et tâches de sang causées par la blessure. Il ne s'était pas rasé depuis tout ce qui s'était passé et avait une sorte de barbe. Sa chambre ne ressemblait rien à cause du désordre ambiant – encore plus poussé qu'à l'accoutumée – et les cachets d'aspirines et de calmants à côté de son lit laissait comprendre les mauvaises nuits qu'il avait passées.

Un instant de faiblesse.
Cela arrivait à tout le monde.

Elle avait raison. Tout le monde pouvait se tromper, personne n’était infaillible, et même un Alpha devait compter sur sa meute. Il tient sa force de ses amis et ses subordonnés. Mais Scott avait commis une grave erreur, une erreur qui avait tout détruit.
Il s’était détourné d’eux. Il n’avait pas confiance à son meilleur ami, ne l’avait pas écouté, et il avait abandonné Malia, Kira et Lydia. Si sa force venait de sa meute, l’Alpha avait malgré tout un rôle : il devait fédérer. Et c’est ce à quoi il avait échoué. Il n’avait pas été un Alpha, simplement… Simplement quoi ? Il ne savait même pas comment se définir, actuellement. Il savait ce que Malia faisait. Elle essayait de le rassurer, après tout, c’était lui qui l’avait ramenée là où elle était. Elle était une coyote, avant, et il lui avait sauvée la vie, tout comme il lui en avait donné une, dans un sens. Aussi, son jugement était trop biaisé. Elle n’était pas capable de voir son erreur, pensait-il ; mais dans un sens, il savait qu’il avait raison. Il aurait tout simplement dû écouter les autres, se calmer, et être attentif. C’est ce qu’il n’avait pas été, lui, Scott McCall, qui remarquait toujours tout concernant ses amis. C’était une certaine gifle mentale.

« Tu as raison. Tout le monde commet des erreurs, tout le monde en a commis, mais j’ai commis une erreur plus grave et plus grande que celle que n’importe quel Alpha pourrait commettre. Je n’ai pas eu confiance en ma meute, et je l’ai abandonné. Ma force vient de vous, et pas simplement parce que vous êtes ma meute, mais aussi parce que vous êtes mes amis. Mais… J’ai pas su faire ça. C’est pour ça que je veux m’excuser… Et pour ça que je n’arrive pas à vous voir comme responsable. »

Elle jaugea sa blessure au torse. Elle n’avait pas guéri, non, et peut-être aurait-il dû plus s’en inquiéter, c’est vrai. Mais il n’en avait pas la force, ni même l’envie. Peut-être avait-il envie d’en périr. Cela aurait arrangé beaucoup de choses. Cela en aurait détruit d’autres : il savait, dans une certaine mesure, que le monde avait besoin de lui. C’était peut-être pour ça qu’il se laissait vivre, encore.

« Je n’ai pas quitté ma chambre depuis… une semaine, je dirais. Je l’ai montée à Deaton, mais elle ne guérit pas. J’ai perdu quasiment tous mes pouvoirs de Loup, pas seulement ceux d’Alpha. Selon lui, je ne peux les récupérer qu’en récupérant ma meute. Stiles, Kira, Lydia, toi, les autres. Mais… Je crois que c’est impossible à l’heure actuelle. »

Il s’assit à nouveau sur son lit, en grimaçant de douleur au niveau de son torse. Il reprit la parole à nouveau.

« Stiles ne m’a adressé la parole depuis tout a dégénéré, j’ai vu Saleem une ou deux fois, j’ignore tout de ce que devient Lydia, je n’ai pas encore revu Kira… En fait, tu es la seule que j’ai revu, de nous tous. »

C’était dur à admettre, que seule elle était venue le voir, pour l’instant. Hormis Saleem, qui lui avait donné quelques informations sur les autres, et avec qui il avait mangé. Il les comprenait, en même temps. Après ce qu’il avait fait – ou, plutôt, ce qu’il n’avait pas fait, il le comprenait.

« Mais c’est peut-être à moi d’aller les voir. D’aller leur parler. Ou peut-être qu’ils seront obligés de venir, qui sait, vu ce qu’il se passe… Le dôme, je veux dire. »

Il avait l’impression de parler du très bon livre de Stephen King, mais il aurait espéré intérieurement que cela reste un livre.

« Quoiqu’il en soit… Je voulais juste te dire que tu n’avais pas à t’en faire… Tout ça… Ce n’est pas de faute. Si tu te sens coupable… Sache qu’on l’est tous. De ne pas t’avoir aidé. Je n’aurais jamais dû te laisser affronter ça toute seule. Ta mère, Theo, ta relation avec Stiles. Je suis désolé. »

Il se sentait mieux, de pouvoir prononcer ces mots, de voir qu’une de ses amies se trouvait en face de lui. Il en était presque heureux, si tant est qu’au vu de la situation, il pouvait l’être.