Elle n’avait pas le temps. Elle n’avait jamais le temps. Elle était trop importante pour s’occuper d’Aaron, d’elle ou même de Lyana. C’était comme cela que Sherihane l’avait compris. Elle devait la respecter. Elle était la Matriarche. Elle ne pouvait remettre le rôle de sa mère en doute. Cependant, elle ne comprenait pas pourquoi Sharon était aussi froide. Comme toujours Sheri, avait fini par s’entêter et bouder cette femme qui s’appelait maman sans le mériter. Trop franche, elle avait déjà dit à Slade qu'elle ne considérait plus Sharon comme sa mère, mais son père lui mit une gifle suffisamment forte pour que la petite baisse la tête.

Elle avait tort, et pourtant, elle ne pouvait réellement l’aimer. Sa mère n’avait aucunement la fibre maternelle avec ses enfants, alors qu’elle devait s’occuper de tous les chasseurs de la ''famille'' Steel. Sharon le faisait avec une froideur qu’elle se promit de ne jamais entièrement possédée. Elle avait beau devoir tuer sans ménagement des créatures, elle ne voyait pas pourquoi elle devait être aussi distante avec les autres personnes de sa race, de son clan. Et encore moins avec des êtres de son sang, de sa chair : ses enfants.  

Plus tard, elle comprendrait que Sharon se protégeait des sentiments qu’elle pourrait avoir si le pire arrivait, mais à peine âgé de cinq ans, ce qu’elle voulait, ce n’était pas de la protection, mais de l’attention et de l’affection à profusion. Son père, son frère et sa sœur était son prix de consolation face à cette mère qui partait constamment sans lui adresser réellement la parole. Bien entendu, avec Slade, ce n’était pas non plus que de l’affection. Il y avait l’éducation. Et l’éducation des Steel était loin d’être douce.


Sheri regardait son père. Il la regardait. Il voulait qu’elle le fasse. Qu’elle tue le présent qu’il lui avait faite. Qu’elle tue un louveteau qui n’avait rien à voir avec aucun des problèmes qu’ils chassaient. Il était un élément de la nature. Pas une créature surnaturelle, criait-elle à son père pour montrer qu’elle n’approuverait pas un acte aussi gratuit. Cependant, son père la regarda et lui demanda sèchement comment elle pouvait savoir que ce louveteau n’était pas une de ces créatures? Elle ne le savait pas. Elle était là, plantée, sans mots.

La bouche fermée, les poings serrés. Elle lui en voulait d’avoir le dernier mot. Et une chance qu’elle ne savait pas qu’elle serait la prochaine Matriarche, sinon, elle aurait surement abusé de cet argument pour toujours remettre en doute sa parole, tout en se doutant bien qu’il aurait réagi au quart de tour. Elle avait donc baissé la tête sur l’animal, avait tendu la main pour avoir ce qui lui donnerait la liberté de tuer un innocent à ses yeux. Mais jamais ce couteau lui aurait donné la volonté qu’elle allait avoir pour tuer un être surnaturel.

Il était visible que la petite ne voulait guère le faire. Elle posa sa main sur la tête du louveteau, caressant le poil entre ses oreilles. Le louveteau n’était en rien sauvage, presque domestique aux yeux de la petite. Elle regardait son père dans les yeux, alors qu’elle caressait l’animal comme un vulgaire animal de compagnie. Il releva le menton pour se faire gratter, cependant, sans quitter des yeux son père avec un regard haineux, accroupie, elle fit glisser le couteau sur la gorge de l’animal.

C’était un silence de mort. Elle le regardait encore haineuse, alors que le louveteau était sous elle, en train de mourir, trahi. Elle ne savait plus comment Slade allait bien réagir, mais le plus important, c’était qu’elle l’avait fait. Et elle le lui crachait presque au visage avec son regard rempli de colère. Et d’une détermination qui semblait un peu déplacée. Elle lui montrait qu’elle tenait un moindrement à ses principes.



Si avec le temps, elle croyait que tout serait plus facile, elle n’avait rien compris. Rien. Et elle voyait bien qu’elle était loin d’avoir tout appris. Elle croyait que le louveteau et que ces petits entraînements auraient suffi à ce qu’on soit fier d’elle et qu’elle puisse se débrouiller toute seule. Qu’elle soit enfin indépendante, mais. C’était si loin de la vérité que ça la fit rire. Comment elle avait pu être aussi sotte? Elle n’en revenait pas.

Comme toutes les adolescentes normales, elle devait concilier études, amis et boulot. Son père la traînait dans tout sorte de missions. C’est juste qu’en plus de ses balades nocturnes, il y avait aussi les entraînements. Seulement, chaque mission était plus périlleuse que la précédente, et à chaque fois qu’elle se disait que ce ne pouvait pas être pire, ce l’était. Elle apprenait pourtant tellement de techniques différentes qu’elle ne pouvait croire que ce n’était pas suffisant, mais comme lui avait dit Chester, un membre du clan Steel, être chasseur c’est être en constant apprentissage. Mais jamais il n’y aurait donc de fin, se demandait Sheri qui connaissait bien le long historique concernant les Steel.

Elle avait encore espoir d’avoir une vie en dehors de la chasse, mais même si la France devenait propre, il y avait tant d’autres pays. Il y avait certes d’autres chasseurs, mais la famille Steel entretenait leur réputation comme nulle autre. On lui avait appris à détester la famille Argent qui avait récolté toute l’honneur, et depuis, sa famille se devait toujours de prouver ce qui était pourtant si clair à ses yeux. Elle voyait la force de chacun et elle prenait toujours soin d’ajouter une autre barre dans son carnet déjà bien chargé pour une adolescente de seize ans.  


Au moment de faire son choix de carrière, elle eut droit à une rencontre avec la Matriarche. Elle trouvait cette formule si impersonnelle. Sa mère qui la convoquait, c’était de toute beauté, se disait-elle ironiquement. Elle lui en voulait de mettre toute cette distante entre elles. Elle avait bien vu la relation que ses amies pouvaient avoir avec leur mère et rien n’était comparable à celle qu’elle entretenait avec la sienne.

Elle faisait comme elle l’avait toujours fait. Elle entrait dans la pièce, faisait un hochement de tête et restait droite comme un pic. Elle attendait les ordres, car ce n’était que pour cela qu’elle la convoquait. Du moins, c’est comme cela que Sheri voyait les choses. Elle eut même l’impression que sa mère manquait de sincérité tellement elle était surprise de l’entendre s’intéresser à ce qu’elle fît et à ce qu’elle souhaitait faire à l’avenir.

Si elle eut un petit sourire intérieur, le mot avenir sembla la frapper de plein fouet. Jamais on ne discutait de l’avenir avec la Matriarche à moins qu’il n’y ait anguille sous roche. Et c’était belle et bien le cas. Une anguille énorme qui était à peine cachée. Tout cela était presque cérémonieux, si on oubliait le fait que Sheri n’agissait jamais avec autant de sagesse à cet époque. C’était pourtant officiel.

Elle devrait certes suivre des études et avoir un métier de couverture, mais elle était la future Matriarche. Elle n’était pas prête. Elle ne le serait jamais se disait-elle alors qu’elle n’avait que son choix de cours d’université en tête. Gestion de commerce… N’était-ce pas ironique?


C’était sa dernière année. Elle allait enfin être diplômée. Même qu’elle avait déjà un emploi à la clé. Cependant, la chasse et les Steel avant tout, elle avait dû commencer une chasse contre une meute qui avait finalement finie par être laissé au soin de son frère Aaron et son père Slade. Si elle avait toujours été rebelle en ne voulant pas réellement devenir chasseuse, en vieillissant, elle avait accepté son rôle. Elle voulait faire partie de tout cela, mais bon, elle ne voulait tout de même pas l’avouer aussi facilement et au lieu de montrer sa déception, elle s’était mise à travailler à son nouveau travail d’arrache-pied tout en continuant de faire des missions avec Lyana et plusieurs autres.

Elle aimait bien cette double-vie même si elle devenait parfois éreintante. Elle semblait toujours donner son maximum autant à son travail de gestion et de marketing d’entreprises que lorsqu’elle chassait avec les Steel. Elle aimait faire de nouvelles rencontres et elle était très bien servie. Elle commençait même à faire des missions avec des Steel moins expérimentés. Si elle avait trouvé cela handicapant quelques fois, elle n’en fit pas trop de drame, sauf cette fois-là…


La trentaine avait frappé et comme cadeau d’anniversaire, sa mère lui avait offert une équipe et une mission pour lesquelles elle se serait facilement portée volontaire. Elle ne croyait pas mener la mission seule, mais sa mère semblait lui faire confiance. Elle ne pouvait croire qu’elle allait être à la tête de cet opération! Elle eut un peu de mal à quitter la France pour l’Irlande, mais elle n’était pas facilement découragée. Après tout, elle savait bien qu’elle serait souvent en déplacement, alors aussi bien s’habituer à la séparation des siens.

Tout c’était bien passé jusqu’à la confrontation. En fait, elle avait attendu bien trop longtemps et au lieu d’avoir simplement affinée son plan, elle avait fini par sous-estimer son ennemi qui avait réussi à faire un carnage qu’elle n’était pas prête d’oublier. L’échec était si puissant qu’elle eut du mal à se résigner à regarder dans les yeux Slade ou Sharon. Son équipe avait été décimée, le Hellhound était toujours dans la nature et elle, elle n’était même plus opérationnelle. Elle n’avait jamais réellement connu d’échec aussi cuisant.


La vie n'aurait pu être plus ironique, car la personne qui l'avait secouru après cette bataille était nul autre que l'hôte du Hellhound qui les avaient attaqués et laissés pour mort, Tobias Hassan. Elle revoyait sans cesse ce moment où elle s'était éveillée, seule, son équipe morte et lui, lui qui arrivait comme un sauveur pour l'aider, alors qu'il était à l'origine de tout cela... Elle se relevait parfois durant la nuit pour s'entraîner et ne pas revoir le visage de l'homme qui ne se doutait même pas qu'il était la source des malheurs qu'il avait tenter de réparer.

Et si le médecin la forçait à ne plus s’entraîner ou faire trop de mouvements brusques, Sheri était têtue et ne voulait aucunement être alitée. Elle avait beau prendre un peu du poil de la bête, cependant, elle finissait toujours par se blesser. Elle était pourtant obstinée, tout comme ceux qui essayait de l’empêcher de rouvrir la brûlure qu’elle avait gagné dans le combat.


Ce n’est seulement qu’après une année entière qu’elle put retrouver toutes ses forces et toute son agilité d’antan. Cependant, elle ne savait plus trop si cela allait être suffisant. Sa guérison n’avait en rien aider Sheri à pouvoir mettre son deuxième plan à exécution. Et comble de malheur, à peine remise de ses blessures, elle devait aussi endosser le rôle qu'elle ne croyait endosser si tôt. Elle eut d'ailleurs bien du mal à savoir comment réagir face à la mort de Sharon. Elle sentait tous les regards portés sur elle, alors qu'elle se sentait encore vulnérable, alors que la Matriarche était encore plus idolâtrer en se donnant elle-même la mort en bonne chasseresse qu'elle était.  

Elle finit donc par nager dans toutes ces responsabilités avec Slade qui l'aidait comme il le pouvait alors qu'elle avait l'impression de vivre dans le brouillard. Qu'elle s'efforçait de passer tout son temps à travailler, à chasser et à devenir celle qu'on appellerait dorénavant la Matriarche, celle dont Sharon et Slade pourraient être fiers.

Elle était de retour et elle comptait bien retenter sa chance avec le Hellhound d'Irlande. Elle avait d'ailleurs préparer une vague destructrice qu'on aurait facilement juger infaillible, mais, elle avait soudain eu la peur au ventre au vu de la première tentative. Elle retournait son plan de tous les sens, refaisait l'équipe parfaite pour cette mission. Elle ne voulait rien laisser au hasard.

Malheureusement, ce fut le temps qui joua contre son stratagème. Elle dû s'avouer vaincue alors que le Néméton avait perdu de sa puissance et que Tobias avait fait ses bagages. Elle ne baissa pourtant pas les braas, elle devait montrer qu'on ne baissait pas les bras chez les Steel et tous ses efforts pour le suivre la menèrent à Beacon Hills, tout comme bien des Steel qu'elle n'avait pas croisée depuis bien longtemps et qu'elle avait bien hâte de revoir.

         
Il était là. Elle était là. Il était un Hale. Elle était une Steel. C’était inévitable. Et pourtant, il la surprit. Il déclarait la paix? Non, il demandait qu’elle devienne son allié. Elle aurait bien pu rire, au lieu de quoi, il dit simplement qu’elle allait y réfléchir. Tout devenait de plus en plus compliqué et cette alliance, bien que peu commune, ni très possible dans le dictionnaire des Steel était à considérer. Même qu’elle ne voyait pas réellement quoi faire d’autre. Sa décision était presque prise, mais ça, elle ne le dirait pas tout de suite. Un regard entre la Matriarche et l'ex Alpha et le contrat était signé. Elle devait penser à la sécurité de son groupe et à sa survie. Pas qu’elle y tenait particulièrement, mais disons qu’avec son nouveau rôle, elle devait trouver un ou une future héritière avant de se lancer la tête première dans la bouche des loups.