Mes mains étaient pleines de sang, du sang dégoulinant peu à peu de celles-ci. Les doux cris de détresse avaient bercé ma nuit et probablement celle du prince qui n’habitait pas plus loin qu’en haut. Je n’aimais pas particulièrement torturer des êtres vivants, mais c’était un mal nécessaire pour mes recherches et mes expériences, j’en tirais une satisfaction personnelle quand ça donnait des résultats, comme aujourd’hui. Je retirais ainsi mes gants, les jetant à la poubelle en retrouvant des mains propres et saines, en me retournant je ne pus constater que le carnage que j’avais fait cette nuit, une table d’opération couverte de sang, un cadavre gisant dessus, je ne pouvais pas retenir une grimace agacée, premièrement par le ménage qui allait s’en suivre, deuxièmement par la mort d’un cobaye n’ayant pas supporté mes mixtures.

C’était en réalité un loup-garou, tout simplement, un Oméga que nos hommes ont récupéré seul dans les bois, j’avais justement besoin d’une de ces créatures pour tester une nouvelle potion. Après quelques minutes de ménage et avoir renvoyé le corps de ma cave par des hommes de main, je m’asseyais tranquillement à mon bureau, me tenant légèrement la tête, sortant un stylo et un carnet. Même si il n’était pas trop difficile pour moi de retenir toutes mes expériences ainsi que mes « recettes », j’avais besoin d’entretenir une conversation avec moi-même, un journal rappelant ma vie, mon passé. Bien sûr, il était entièrement écris en grec, moyen de précaution et je prenais bien soin de ne pas écrire des choses délicates au sujet de nos plans machiavélique avec Nix. Mais c’était important pour un chercheur d’entretenir ce genre de « journal de bord ». Pris d’une petite nostalgie, j’en profitais pour relire quelques passages.

« Né en Grèce, mon enfance était assez spéciale, je suis né humain, bien qu’un humain un peu différent des autres car mon père était un druide reconnu chez les Ivian. Je n’eus pas d’autres choix de vie que d’en devenir un à mon tour, et pas des moindres car mon objectif était de suivre et de conseiller Phoenix Walder jusqu’à ma mort. »

C’était totalement vrai, du moins c’est ce qu’ils avaient tous prévu pour moi. Honnêtement, Phoenix n’était pas qu’un homme de peu de sentiment, j’avais la nette impression que mon avis comptait pour lui, qu’il m’était, d’une certaine manière, fidèle également. Bien évidemment, nos différences de caste sociale faisaient que je ne serais jamais son égal, mais je ne cherchais pas du tout le pouvoir politique, simplement le pouvoir. Je m’étais engagé dans une voie dangereuse et sombre, et à terme, je deviendrais très puissant. Mais ma puissance n’avait raison d’être que pour notre objectif commun, mettre Phoenix sur le trône Ivian après avoir assassiné son père quand celui-ci le prendra à la Matriarche. Alors en effet, mon seul objectif était de le suivre, mais j’en était très satisfait.

« Mon enfance, et bien, mon enfance n’était pas si mal, j’avais beaucoup de liberté, ma famille a toujours vécu dans le même immeuble que celle de Nix, nous avons grandis ensemble, j’ai appris à l’aimer d’une certaine façon et je pense que lui aussi, j’ai beau entretenir du respect profond pour son titre, je savais pertinemment que nous étions comme des frères, et ça depuis l’enfance. Mon père m’a tout appris de la manière de conseiller un Ivian en tant que druide, mais comment conseiller Nix, ça, c’est moi qui l’ai appris seul. »

Il était vrai que Nix, bien qu’il soit prétendant au trône comme son père, était bien différent de celui-ci, dans un sens, c’était un peu un homme brisé, mais sans avoir les remords de cette fracture. Comme je l’ai toujours beaucoup dit, Phoenix est mon sujet d’expérience préféré en plus d’être un ami. Ses décisions, ses choix, bien qu’influencé un peu par moi-même, était toujours inattendu et ça en faisait un parfait stratège.

« Quand nous arrivâmes à l’université, nous n’y étions pas réellement pour obtenir un diplôme comme tous les autres humains basiques, nous y étions pour expérimenter la vie dans son ensemble, c’est là que j’ai eu mes premiers ébats, j’ai connu l’amour, de façon éphémère, j’ai compris la peine que nous pouvions en ressentir, ça m’a largement suffi pour mettre ses sentiments de côté. Mais j’ai également beaucoup appris sur le plan humain, sur la conscience d’un être, sur ses instincts de survie, sur sa manière de réagir dans différentes situations. C’était un sujet parfaitement intéressant. J’avais également appris beaucoup sur les manières de rechercher une information par la souffrance ou l’intelligence. Quant à Nix, je sais qu’il a expérimenté également beaucoup de choses, mais je ne pense pas vraiment que ce stage à l’université lui a plût. Il était plutôt solitaire. »

Il n’était pas aisé de comprendre Nix, même parfois pour moi. Comme je l’ai dit, ses choix sont souvent inattendus, je ne peux pas lire en lui comme je lirais en une tierce personne. Et pour cause, son opération prématurée peu après sa naissance l’avait rendu insensible en beaucoup de point, il ne tirait que satisfaction et insatisfaction, c’est tout. Pour ma part, j’avais appris à cacher mes sentiments au plus profond de moi, je n’avais pas « la chance » d’être insensible par obligation, j’ai dû apprendre à l’être. Mais dans un sens, ce n’est pas plus mal, car quand je veux manipuler quelqu’un, je n’ai pas à faire trop semblant. Nous étions bien complémentaires avec Nix, je pense que c’est pour cela qu’on nous a éduqués ensemble.

« C’est après l’université que j’ai trouvé les expériences sociales et physique sur des individus très attrayante. J’aimais explorer le corps humain, ceux des créatures légendaires et mystiques également, chaque corps m’apprenait quelque chose de différent, peu à peu j’élaborais des produits, des mixtures, me permettant d’accroître mes connaissances et mes talents en tant que druide. »

En parlant de ça, une de ma plus grande fierté est ma mixture pour prendre les pouvoirs d’un alpha, quelque chose de vraiment inattendu et unique au monde. J’étais, au fond de moi, certains que des centaines de personnes tuerait pour avoir connaissance de ma petite recette. Ça fallait beaucoup mon égo, et ce n’était pas plus mal. Mais mon côté curieux et savant m’obligeait à en vouloir plus et à préparer davantage de potions. D’ailleurs, c’est ce que je faisais cette nuit, j’élaborais une potion de rage, qui permettrait à une créature ou même à un humain d’être au paroxysme de sa colère, le rendant quasiment incontrôlable et déchainé. Une mixture capable de transformer le loup garou le plus docile en véritable machine à tuer, pour un temps seulement. L’expérimentation avançait bien, mais les créatures buvant mon sérum était dans un tel état de rage qu’il en mourrait à la fin ou pire, se tuer eux même. Ce n’était pas le but recherché malheureusement, mais j’avançais bien.

« Bien plus tard, après plusieurs années loin de l’université, déployant toujours mes pouvoirs de druides à son paroxysme, j’avais décidé de devenir plus maléfique encore, plus noir, plus puissant, plus sombre. Ce gain de puissance nécessitait des sacrifices d’être vivants, je n’en avais cure, tout ce qui m’importait, c’est de devenir de plus en plus puissant, ça servira à la fois Phoenix et ça nous garantira une plus grande sécurité dans nos plans. »

C’était important, en effet, maintenant que nous étions dans cette ville aux Etats-Unis, nous devions être vigilant, beaucoup plus qu’avant. Bien que ce soit l’épicentre de toute curiosité pour un savant comme moi, je n’en oubliais pas nos priorités, Nix doit devenir le patriarche des Ivian et je dois devenir l’être le plus puissant en terme de pouvoir de ce pays.