Les voix se taisent à mon entrée, un lourd silence règne à présent dans la pièce. Je m'y élance et découvre ma mère, assise sur le canapé la tête entre ses mains, à mon arrivée, elle me laisse découvrir ses yeux noisettes remplis de larmes, ses joues roses humides, sa mine horrifiée me laisse penser que quelque chose d'horrible vient d'avoir lieu. Mon père est assis à ses côtés, un bras passé sur ses épaules, mais, lui, reste silencieux, aucune émotion n'est présente sur son dur visage. Il me lance un regard distant, semblant me dire que ce n'est pas le moment de poser de question. Je m'approche d'elle, elle relève la tête et me regarde, des mots étouffés se font entendre, les pires de tous. « C'est Ian.. Il est mort ».

Pendant ma tendre enfance, mes parents ont toujours étaient géniaux. Ma génitrice s'épanouissait dans son rôle de mère et de femme, et mon père aimait cette vie qu'il menait avec nous, quoique quelque peu indifférent à ma présence, il faut dire qu'il n'est pas vraiment le genre d'homme à aimer les enfants. Ils avaient emménagé à Perth deux ans après leur rencontre, après quoi ils s'étaient mariés, quelques mois à peine avant ma naissance, et quand le moment fut venu, ils étaient plus qu'heureux, m'ont-ils dit, ce qui me semble un peu difficile à croire, de mon point de vue. Les premières années de ma vie furent donc on ne peut plus banale. J'avais à peine trois ans quand mon frère, Ian, né à son tour. On peut dire que mes parents étaient fous de joie, surtout mon père, qui semblait bien plus content qu'il ne le laissait entendre, et c'était bien la première fois que je le voyais ainsi, surtout quand on parlait d'enfant.
Ian et moi nous nous étions tout de suite bien entendus, à vrai dire, nous étions comme tout frères et sœurs, nous nous disputions souvent pour des petites choses, mais on pouvait aussi être très complice quand il s'agissait d'embêter notre monde. 

Au fil des années, mon père et mon frère semblaient avoir ce «lien» privilégié, entre un père et son enfant, qui les rapprochaient petit à petit, Ian se passionnait pour les occupations de mon père alors quand il pouvait faire quelque chose ensemble, ça ne pouvait que réjouir mon père. Il était presque devenu son «enfant préféré», mais cela m'importait en réalité, n'ayant jamais vraiment été proche de mon père, ma mère a toujours été la première personne à qui s'adresser en toutes circonstances, non pas seulement parce que je suis une fille, et qu'elle me comprends dans chacun de mes problèmes, mais surtout parce que l'on a toujours été complice, à l'inverse, donc, de lui. Puis, il grandit et devint plus réservé, plus mature, mais cela ne les rapprocha que davantage. 

Une fois diplômée de l'université, j'avais commencé à suivre un programme pour me préparer à l'examen afin d'entrer dans la police, lequel avait été brillamment réussi. J'ai alors suivi une formation durant laquelle le maniement des armes est l'un des apprentissages indispensables, et j'ai donc eu la joie de découvrir ce que cela pouvait procurer, mais je devais également pratiquer un sport de combat, qui me permettrait de me défendre si quelqu'un m'attaquait un jour et me rendrait également plus agile. J'étais alors rentrée chez moi, passant une grande partie de mon adolescence en internat, rentrer à la maison n'était plus dans mes habitudes. J'y avais alors découvert une famille plus unie que jamais, Ian avait alors atteint sa majorité, mais n'avais pas changé de beaucoup, ma mère semblait rajeunir au fil du temps, alors que mon père, lui, n'avait pas changé du tout.  Après quoi, quelque temps plus tard, l'accident était survenu.

La mort de mon frère  fut comme une bombe qui explosa notre famille. Même quelques mois après, ma mère restait inconsolable, elle avait quitté son boulot et ne voulait même plus sortir de la maison.  Mon père avait commencé à boire, rentrant îvre plusieurs soirs par semaine. Cela lui permettait de «calmer sa douleur» me disait-il, personnellement, je n'ai jamais pu me faire à l'idée que boire pouvait résoudre nos peines et nos problèmes, ça ne faisait que nous rendre plus agressif, rien de plus. Les disputes arrivèrent, mes parents ne s'entendaient plus, se rejetant la faute l'un l'autre, ou prenant la moindre excuse pour se sentir mieux, autre chose que je ne comprenais pas. Pour ma part, je m'étais refermée un peu plus sur moi-même, il m'avait fallu plusieurs jours avant de réaliser ce qui était arrivé, et plusieurs semaines pour m'en remettre. Malgré tout, il m'avait fallu prendre soin de mes parents pendant les premiers mois, délaissant ma formation, de laquelle j'avais été renvoyé quelque temps plus tard pour être trop resté chez moi, avec eux. J'avais cependant tenté par tout les moyens de la réintégrer, faisant de nombreuses demandes et négociations, sans succès.

Alors que je croyais, jusqu'ici, que le pire était passé, tout se compliqua. Un soir où j'avais décidé de sortir faire un tour après une énième dispute avec mes parents, les sous-bois non loin de chez moi semblaient être l'endroit idéal, j'étais assez loin de la maison pour ne plus entendre sa voix, sans perdre l'habitacle de vue. Les mains dans les poches de ma veste en cuir, je n'avais pas prêté attention à ce qu'il se passait autour de moi avant qu'un grognement n'attire mon attention, j'avais aussitôt relevé la tête pour apercevoir deux yeux rouges dans l'obscurité, ma curiosité me poussait à m'approcher afin de voir de quoi il s'agissait, mais je n'avais pas mis longtemps avant de comprendre que rien de tout cela n'était bon signe. J'avais alors fait un pas en arrière et commencé à courir hors des bois, l'animal d'une incroyable taille s'élança derrière moi. Je n’eus que le temps de faire quelques pas, qu'elle m'avait déjà rattrapé, me projetant sur le côté, plantant ses crocs dans ma chair au passage, puis elle repartit dans le sens inverse pour disparaître entre des arbres un peu plus loin quelques secondes plus tard.
Dès lors, ma vie n'a plus été la même. Les jours qui avaient suivi étaient bien plus éprouvant que ce que j'avais imaginé. Le lendemain ma blessure avait déjà cessé de saigner, la douleur ne se ressentait plus, laissant la plaie encore à vif, j'avais refusé d'en parler pour la simple raison que même la médecine n'aurait pu m'apporter une grande aide. Quelques jours plus tard, elle avait totalement disparu, comme si elle n'avait jamais été là, ne laissant même pas une simple marque sur ma peau. Puis arrivèrent d'autres choses inexplicables, des yeux verts qui remplaçaient les miens devant le miroir ou alors les griffes qui me poussaient sur les ongles sans savoir comment.

N'ayant pas conscience de ce qui se produisait, j'avais pris la décision de partir, avec l'excuse de vouloir voyager, ce qui n'était pas complétement faux, mais je voulais surtout protéger mes parents de la personne que j'étais devenue.
Pendant 2 ans, je n'ai alors cessé de voyager à travers l'Europe, m'arrêtant dans chaque pays, dans chaque grandes villes que je voulais découvrir. Mais c'est finalement en Amérique que j'avais décidé de partir, là où ma vie me plaisait davantage. Grâce à la liberté que m’offraient ces voyages, j'avais pu découvrir le monde et rencontrer de nouvelles personnes, tout aussi charmantes les unes que les autres, peu importe leur pays ou encore leur culture. Puis, par un heureux hasard, je finis par atterrir à Beacon Hills, et sans que je ne comprenne vraiment comment, j'eus le pressentiment que c'était la ville qui me correspondait. Cependant, cette liberté semblait s'être envolée en passant les frontières de la ville, je me retrouvais désormais prisonnière sans pouvoir réagir, il était déjà trop tard, le dôme était en place et je l'avais déjà franchi, mais cette ville ne me déplaisait pas après tout, alors pourquoi ne pas en profiter ? Et même si je ne sais toujours pas réellement qui je suis, ou ce que je suis, j'ai le sentiment que la vérité ne tardera pas.